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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/149

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place définitivement dans la science ; elle commençait seulement à se produire, on en mesurait mal les conséquences, et l’auteur, sans l’ignorer, n’en a tiré qu’un faible parti. Aussi son livre, qui reste encore plein d’intérêt dans ce qui touche à l’astronomie, a-t-il beaucoup perdu de sa valeur dans la partie où il traite des lois de la physique proprement dite.

Aussi bien, dès que l’on sort des faits nouvellement révélés par l’étude de la chaleur, la théorie générale que nous voulons développer ne peut plus guère se produire que sous forme hypothétique. On éprouve même, comme nous le disions tout à l’heure, une sérieuse difficulté quand on veut réduire à une définition précise cette nouvelle conception de la nature qu’ont fait naître les travaux modernes. Dans quels termes faut-il la présenter pour qu’elle ne paraisse pas téméraire aux uns, chimérique aux autres, inutile à beaucoup ? Dans quelles limites faut-il la maintenir pour qu’elle ne semble pas s’avancer au-delà des faits ? Qu’on nous permette d’adopter le parti suivant, ce n’est pas le plus sage, mais c’est celui qui mettra le plus de clarté dans notre sujet. Nous commencerons par exposer dans toute sa netteté, dans toute sa simplicité, cette hypothèse grandiose que nous venons de désigner sous le nom d’unité des forces physiques, et nous essaierons d’en montrer les conséquences immédiates ; nous le ferons d’abord sans nous préoccuper des preuves à apporter à l’appui d’une pareille opinion ; c’est ensuite seulement que nous nous efforcerons d’indiquer sur quels fondemens l’hypothèse repose, et alors les atténuations, les restrictions se présenteront d’elles-mêmes. Dans cet exposé des preuves, on verra facilement quelle part revient à l’expérience, quelle part à l’imagination, ce qu’on peut croire sans scrupule, ce dont il faut douter jusqu’à plus ample information. Cette réserve générale que nous faisons dès l’abord nous permettra d’esquisser notre hypothèse dans toute sa vigueur ; nous serons ainsi dispensé de l’énerver, chemin faisant, par une série d’indications restrictives.


I

C’est un fait incontesté maintenant et placé au-dessus de toute controverse que la matière est dans l’univers en quantité immuable. Il ne s’en crée pas, il ne s’en détruit pas ; tout se réduit à des transformations. Les progrès que la chimie a faits au commencement de ce siècle ont mis cette vérité dans tout son éclat et l’ont rendue en quelque sorte palpable. Quelles sont d’ailleurs les propriétés de la matière ? L’impénétrabilité d’abord : c’est en quelque sorte une question de définition, une portion de matière étant ce