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l’attraction et l’inertie ? La question vaut qu’on s’y arrête et qu’on l’examine de près. Voilà deux molécules matérielles. Est-ce une conception saine que de les imaginer comme partant d’elles-mêmes de l’état de repos pour se rapprocher l’une de l’autre ? A la rigueur, je puis concevoir qu’il en soit ainsi, et si toutes les molécules matérielles s’attirent en vertu d’une force secrète qui réside en elles, je m’explique sans peine la formidable quantité de mouvement sans cesse répandue dans l’univers ; mais encore une fois il faut dès lors que je renonce à dire que la matière est inerte, il faut que je dise au contraire qu’elle est active, puisque je reconnais qu’elle renferme un principe d’action. Nous sommes en ce moment en face d’une grosse difficulté, et l’on nous dira sans doute qu’on n’a pu vivre depuis Newton sans l’avoir résolue, qu’on n’a pu laisser à la base même de la science deux assertions contradictoires. En effet les esprits habitués aux études scientifiques savent qu’il faut chercher en dehors des corps la cause par laquelle ils tendent les uns vers les autres ; ils savent qu’en énonçant la loi de la gravitation universelle, on se place au point de vue des résultats et non au point de vue des causes, et qu’on veut dire seulement que les choses se passent comme si les corps s’attiraient en raison directe de leurs masses et en raison inverse de leur distance. Telle est la réserve qu’ont faite ou qu’ont dû faire plus ou moins explicitement tous les esprits sensés. Et maintenant quelles lumières la théorie nouvelle va-t-elle nous fournir sur le principe de la gravité ? Voici ce qu’elle répond. Une substance à laquelle on a donné le nom d’éther est répandue dans l’univers entier ; elle enveloppe les corps et pénètre dans leurs interstices. L’existence de cette substance se déduit d’une série de preuves parmi lesquelles on peut citer en première ligne les phénomènes lumineux. L’éther est composé d’atomes qui se choquent les uns les autres et qui choquent les corps voisins. Il forme ainsi un milieu universel qui exerce une pression incessante sur les molécules de la matière ordinaire. La théorie nouvelle se rend compte des réactions qui se produisent entre ces atomes éthérés et les molécules matérielles ; elle constate que ces réactions sont telles que les molécules matérielles doivent tendre les unes vers les autres précisément dans les conditions que fait d’ailleurs connaître la loi de la gravité. Nous essaierons plus loin de donner une idée de cette ingénieuse démonstration ; pour le moment, nous laissons toutes preuves de côté et nous ne faisons qu’énoncer des résultats. Tout le monde comprendra l’importance de celui auquel nous venons d’arriver ; il devient clair que les corps ne doivent pas leur gravité à une force intrinsèque, mais à la pression du milieu où ils sont plongés. Le mouvement des corps graves ne nous apparaît plus