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Haydn ; Mozart, ces vrais classiques, prétendraient déjà ne plus voir que les représentans de la période rococo.

Dans cette espèce de conflit byzantin, qui a raison, qui a tort ? Ce fameux âge classique, où le chercher ? Un habile théoricien allemand, M. Riehl, va nous le dire : « Cet esprit de mesure, d’apaisement, de simplicité, qui constitue le caractère de l’antique, se retrouve en musique, pour la première fois, chez un artiste qui vers le milieu de la renaissance apparaît au monde comme la dernière figure du moyen âge. On peut dire de Palestrina qu’il a par devers lui l’élément classique ; il le prouve en substituant dans ses messes les formes pures, simples du chant populaire italien à l’aride scolastique des Pays-Bas. Il réforme son art, sacrifie au dieu inconnu de l’antique musical. C’est le classique par excellence. Viennent ensuite les maîtres sacrés et profanes de l’école romaine. Ils continuent l’œuvre de Palestrina, étendent les horizons, dégagent la symétrie, développent dans leurs morceaux une architecture transapparente, et, déliant la mélodies la rendent à sa grâce native, à sa noble sensualité. Ces hommes furent au XVIIIe siècle les véritables représentans de l’antique musical, et le même élan qui poussait nos statuaires vers les maîtres de l’antiquité grecque et romaine entraînait aussi nos musiciens. Eux aussi obéissaient à la passion de l’étude, eux aussi cherchaient l’antique à Rome et le trouvaient non dans des débris de statues, des fûts de colonnes, mais chez des maîtres bien vivans ! »

Il y eut certes en Allemagne, pendant, la première moitié du XVIIIe siècle, des musiciens aussi grands, plus grands même que ceux d’Italie, et cependant tout homme voulant s’instruire à fond passait les Alpes. Sans doute ailleurs pouvait s’apprendre cet art qui fait les compositeurs, la technique du métier ; mais l’idée de mesure, d’esthétique, le sens de la pureté, de la clarté dans la forme, en un mot la vraie école de l’antique n’était qu’en Italie. J’aurai le temps de parler de Gluck tout à l’heure ; voyons Haydn, Mozart. Ce qui fit de ces hommes de tels modèles dans l’art de penser et d’écrire, ce ne fut pas seulement leur génie, mais la transmission, de la belle forme italienne, le canon de cette école du simple, du correct, du lumineux. Coïncidence curieuse de l’idée littéraire et musicale à cette époque ! tandis que Lessing, Goethe, Herder, Schiller, demandent à l’étude de l’antiquité classique la régénération de la poésie, les musiciens, sans s’être concertés et ne prenant pour guide que leur instinct, vont aux mêmes découvertes. L’idéal moderne de l’antique musical, Haydn et Mozart l’ont produit ; bien plus encore que dans les tragédies de Gluck, il est dans ces symphonies que l’orchestre du prince Esterhazy exécute pendant