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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/226

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aucune action sur les préparations chimiques sensibles à la lumière. Au de la du violet, il existe une troisième espèce de rayons, les rayons chimiques. Ils ne sont ni chauds ni lumineux, sauf une faible teinte gris-lavande, qui devient perceptible dans des circonstances favorables, et qui s’étend jusqu’à une certaine distance à partir de la limite du violet ; en revanche, les rayons de cette partie du spectre impressionnent énergiquement les substances employées pour la photographie.

La lumière dont le soleil nous inonde remplit donc une triple fonction. Elle réveille la nature en colorant des feux de l’aurore le ciel matinal, elle éclaire le paysage pour guider nos pas, elle fait resplendir à nos yeux les fleurs, scintiller les gouttes de rosée, briller la surface des eaux dans lesquelles se mirent les nuages. Chaleur, elle nous pénètre de son rayonnement bienfaisant, elle couve les germes déposés dans le sol, soulève les eaux par l’évaporation, amasse les nuages et déchaîne les vents. Radiation chimique, elle active la respiration des plantes, qui, sous l’influence des rayons solaires, détruisent l’acide carbonique exhalé par les animaux, dégagent l’oxygène et fixent le carbone, créant ainsi de la matière organique qui servira de nourriture aux êtres vivans. Nos alimens et nos combustibles proviennent, directement ou par voie de transformations successives, du règne végétal ; on peut dire qu’ils représentent une somme de force vive empruntée au soleil sous forme de vibrations lumineuses au moment où se sont groupés et combinés les élémens dont les plantes sont faites. La force qui a été emmaganisée par ce lent travail des affinités chimiques se retrouve, au moins en partie, dans les efforts mécaniques que l’animal accomplit sans cesse et par lesquels il dépense une partie de sa propre substance ; elle se retrouve aussi dans le travail des machines qui sont alimentées par la houille ; elle se transforme en chaleur lorsqu’on brûle du bois dans un foyer, ou qu’une substance nutritive est en combustion dans le sang d’un être vivant qui respire sans se mouvoir. C’est ainsi que la lumière, en faisant croître et prospérer les plantes, prépare aux habitans de la terre leur nourriture et crée pour eux une source intarissable de puissance mécanique. Elle est, suivant l’heureuse expression de Lavoisier, le flambeau de Prométhée qui répand sur notre planète l’organisation, la vie, le sentiment et la pensée.

Il résulte de ce qui vient d’être dit que la proportion de rayons chimiques qui arrive annuellement à la surface du sol en un point donné du globe est d’une importance capitale pour l’évolution de la vie organique sur ce point ; c’est l’élément principal de ce qu’on pourrait appeler le climat chimique. A première vue, il peut sembler que la quantité de lumière que le soleil déverse en moyenne sur une contrée ne doive dépendre que de l’élévation qu’il y peut atteindre ; les pays situés sous la même latitude seraient alors également favorisés sous le rapport du climat chimique, à l’opposé de ce qui s’observe pour la chaleur. Voici le raisonnement qui semble autoriser cette hypothèse. Sans doute la distribution de la chaleur