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gazeux ou des poussières impalpables dégagées par certaines substances, et qui affectent nos sens lorsqu’elles se dissolvent dans la membrane olfactive. On pourrait certainement peser le parfum d’une rose, si l’on avait une balance suffisamment sensible, et cette balance existe. Elle est fournie par un appareil qui mesure l’absorption de la chaleur rayonnant à travers une atmosphère chargée d’émanations odorantes. M. Tyndall a fait passer des rayons de chaleur par un tube qui contenait de l’air saturé du parfum de différentes huiles aromatiques, et il a constaté que le parfum du patchouli interceptait trente fois autant de chaleur que l’air pur, le parfum de bergamote quarante fois, celui de l’anisette trois cent soixante-douze fois autant. Ces résultats montrent la grande influence que les substances mêlées à l’air peuvent exercer sur la distribution de la chaleur ; rien ne prouve qu’elles sont indifférentes pour le régime de la lumière. Voici d’ailleurs ce que l’expérience journalière nous apprend à cet égard.

Le soleil nous éclaire de deux manières : d’abord par les rayons acérés qui pénètrent jusqu’au sol avec un éclat insupportable pour nos yeux, ensuite par cette lumière plus douce qui se joue dans l’atmosphère et que le fluide éthéré nous renvoie répercutée entre mille surfaces réfléchissantes. C’est cette lumière diffuse qui produit l’azur vaporeux du ciel et les teintes purpurines de l’aurore et du crépuscule. De quelle manière ont lieu ces réflexions par lesquelles une partie des rayons solaires se disperse dans les couches inférieures de l’atmosphère ? C’est là une question encore fort débattue et sur laquelle les physiciens sont loin d’être d’accord. On admet d’une part que les molécules d’air ont la propriété de renvoyer par réflexion diffuse une couleur bleue, ce qui revient à dire que l’air est bleu par lui-même. D’autre part, certains faits observés conduisent à attribuer la coloration bleue de la lumière céleste aux vésicules d’eau liquide que l’air tient en suspension et qui se colorent comme les bulles de savon. D’après M. Janssen, ce serait la vapeur d’eau qui, transmettant de préférence les rayons rouges et arrêtant au passage les rayons de l’autre extrémité du spectre, produirait l’azur du ciel et le voile bleu qui enveloppe toujours les objets lointains. Peut-être aussi que les poussières atmosphériques ne sont pas étrangères à ces phénomènes. Quoi qu’il en soit, il est de fait que la lumière diffuse du jour a une teinte bleuâtre, bien qu’elle soit toujours mélangée de beaucoup de lumière blanche qui a été réfléchie sans se décomposer. Or les rayons bleus retenus par l’atmosphère manquent nécessairement dans la lumière qui parvient directement jusqu’à nous ; il en résulte que le rouge y acquiert une prédominance d’autant plus sensible que le soleil est plus bas et la route des rayons directs dans l’air plus longue. C’est pour cette raison que le soleil nous paraît si rouge à l’horizon[1]. Les nuages dont il éclaire alors les bords se frangent

  1. La lumière venant du côté opposé au soleil est bleuâtre ; M. Tyndall, observant le lever du soleil du haut du Mont-Blanc, a vu le flanc oriental de la montagne d’un rouge vif, et le flanc occidental d’un bleu pur. Les photographes disent que la lumière du nord est plus active que celle du midi ; ce fait s’explique aussi par la distribution des teintes réfléchies et transmises.