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L’INFAME

SECONDE PARTIE (1).

III.

— Monsieur, dit Gautripon, vous m’écouteriez mal et d’un esprit prévenu, si je commençais mon récit par le commencement. Sachez d’abord quels sont mes moyens d’existence. Je suis teneur de livres aux Villes-de-Saxe et professeur de littérature française dans trois couvens de la rive gauche. Veuillez jeter les yeux sur ce petit dossier qui contient les noms des établissemens qui m’emploient, la date de mon entrée en fonction, le chiffre de mes salaires annuels, les certificats de mon patron et de M’" les supérieures, en un mot la preuve palpable que depuis sept années je travaille régulièrement dix heures par jour en moyenne pour gagner trois mille francs.

Le marquis étendit nonchalamment la main, prit les papiers, les feuilleta du bout du doigt comme par acquit de conscience et les jeta sur la table en disant : — Budget des recettes !

— J’entends, répondit l’infâme. C’est le budget des dépenses qui vous intéresse surtout.

— Naturellement.

— Tout est prévu, monsieur. Vous pensez bien qu’on n’affronte pas un examen de cette importance sans s’y préparer avec soin. Donc je vous prouverai que mes dépenses, à moi, n’excèdent pas mon humble revenu. Ma comptabilité privée est en ordre : c’est bien (1) Voyez la Revue du 15 octobre.