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VIII

Les préliminaires que nous venons de poser montrent assez que nous sommes loin de posséder à l’égard des phénomènes électriques une théorie générale. Ce n’est pas que nous manquions de données expérimentales. Les observateurs ont mis à notre disposition un nombre considérable de faits, on pourrait dire même qu’ils en ont mis trop, car les lois particulières qu’ils ont établies ne sont pas ramenées à quelques groupes principaux ; elles ne présentent chaque phénomène que par une seule facette, et elles n’ont pour la plupart qu’une signification obscure ou banale. Cependant de l’ensemble de ces observations confuses nous concluerons que le mouvement électrique consiste en un véritable transport de matière ; le mot courant, employé dans le langage usuel, correspondrait ainsi à la réalité des phénomènes. Une considération décisive peut être invoquée à l’appui de cette opinion. Si les deux pôles d’une pile sont réunis par un conducteur à section variable, l’intensité du courant, mesurée par ses effets galvanométriques, est la même dans toutes les parties de ce conducteur ; là où le conducteur se rétrécit, le courant devient plus rapide, de telle sorte que toutes les sections donnent passage dans un même temps à la même quantité d’électricité. Cette particularité est facilement rendue visible par ses effets calorifiques ou lumineux. On sait que, si un fil très fin est interposé sur le passage d’un courant, il rougit et s’échauffe jusqu’à se fondre. On connaît aussi les expériences qui se font au moyen des tubes de Geissler : ce sont des tubes de verre où l’on raréfie l’air et que l’on place sur le passage du courant, pour que l’électricité les traverse sous forme de gerbe lumineuse ; or, si l’on prend un tube de Geissler inégalement large dans ses diverses sections, on constate facilement que la gerbe devient d’autant plus lumineuse qu’elle est plus resserrée. Dans ce fait que le mouvement augmente à mesure que la section se rétrécit, on retrouve une loi fondamentale de l’écoulement des fluides, loi connue depuis Léonard de Vinci. Ce fait seul exclut l’idée que l’électricité puisse être due à de simples vibrations ; il ne se présente en effet dans aucun des mouvemens vibratoires que nous connaissons, qu’ils soient longitudinaux comme ceux du son ou transversaux comme ceux de la lumière. Lorsque ces divers mouvemens rencontrent un obstacle qui rétrécit le milieu où ils se produisent, ils se réfléchissent dans la masse du milieu, mais ils ne se pressent pas dans le pertuis ouvert devant eux ; ce sont les fluides animés d’un mouvement de transport qui se précipitent ainsi dans les passages étroits. Lorsqu’une barre est chauffée par