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ORGUEIL.

Mon indomptable orgueil est l’arme de ma vie,
La pierre de mon œuvre et l’ancre de ma foi.
Il est plus fort qu’un roc et plus puissant qu’un roi
Et trop dur pour le temps et trop haut pour l’envie.

Je ne reconnais pas d’autre loi que sa loi.
La douleur peut frapper, c’est moi qui l’en convie !
J’irai, sans que personne ou que rien me dévie ;
Je veux ce que je veux et je m’appelle Moi !

C’est en vain que la haine attendrait pour salaire
Un mot de ma faiblesse, un cri de ma colère,
Ce qui part de si bas n’a pas un si haut prix ;

Des sommets où je suis, c’est un bruit dans l’espace :
J’entends et je souris, je me tais et je passe ;
Mon rire a nom dédain, mon silence mépris.


L'HIRONDELLE.

Oui, madame, je vois que vous êtes très belle.
Madame, regardez là-haut cette hirondelle :
Pour la grâce du vol, c’est un oiseau sans pair.
N’est-elle pas jolie alors que d’un coup d’aile,

Dans les rayures d’ombre et dans le soleil clair,
Elle passe en criant, vive comme un éclair,
La faucheuse d’azur? et dirait-on pas d’elle
La navette de jais d’un tisserand de l’air?

Votre œil aime à la suivre où son vol s’évertue;
Vous croyez qu’elle joue? Hélas! non, elle tue!
Sa souplesse est un piège et son charme un moyen ;

Dieu la fit pour séduire et pour tuer ensemble...
Sauriez-vous d’aventure à qui l’oiseau ressemble?
Moi je ne le sais pas, si vous n’en savez rien.