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n’aurait plus l’appui de nos troupes. Dans les cours où, comme en Espagne, règnent les influences féminines, l’on devine les inspirations fantasques qu’ont pu exciter de telles alarmes. Des cours semblables ont heureusement, à notre époque, plus de zèle que de force. Toutefois, si l’on songe que dans cette circonstance, d’une part des sollicitudes honnêtes et généreuses peuvent être plus facilement inquiétées que jamais, si l’on réfléchit d’un autre côté aux moyens d’action que possèdent et savent employer dans la mêlée de la vie sociale les intérêts remuans qui détestent l’œuvre accomplie en Italie, et qui se croient ou se sentent liés à la perpétuité du pouvoir temporel, on ne sera point surpris que des efforts ardens soient tentés au moment suprême pour peser sur les résolutions finales. Qu’on appelle cela comme on voudra, intrigues, cabales ou entraînemens d’un zèle pieux, on devait s’attendre à ces frissons et à cette fièvre de la dernière heure. L’inconvénient et le danger, si l’on ne savait dominer cette émotion, seraient de provoquer les difficultés que l’on redoute, de prolonger et d’irriter le malaise qu’on a hâte d’apaiser. On risquerait de s’égarer dans de fausses mesures et dans des précautions qui auraient un air maladroit de défiance mesquine. Nous expliquerons plus clairement notre pensée par un exemple. L’idée d’où est sortie l’organisation de la légion pontificale recrutée en France est une de ces inspirations intempestives de fausse prudence contre lesquelles le gouvernement français ne saurait trop, suivant nous, se mettre en garde. Cette légion ne peut servir à rien, et ne saurait être pour le pape et pour nous qu’une cause d’embarras. Dès le début, le gouvernement pontifical s’abstient de l’employer à Rome. Nous ne croyons point à l’entière exactitude de la correspondance publiée par un journal français sur les signes de mécontentement qu’aurait donnés la légion lorsqu’elle a reçu les couleurs pontificales. Les avocats officieux du pouvoir temporel tirent cependant de ce fait le prétexte de réclamations gênantes. Alléguant l’esprit douteux de la légion, ils se plaignent que le pape n’ait point reçu le secours effectif sur lequel on lui avait donné le droit de compter. On eût évité ces tracasseries, si, averti par la difficulté du recrutement, on eût renoncé à l’organisation de cette légion. On ne songea d’abord à la former que d’anciens soldats libérés : le nombre de ceux qui se présentèrent fut petit. On eut recours alors à un expédient qui, s’il eût été connu, n’eût point obtenu l’assentiment de l’opinion publique : on demanda dans les corps de l’armée le nombre d’hommes de bonne volonté qui était nécessaire ; on devait les choisir parmi les jeunes soldats devant trois mois de service encore et notés comme bons sujets. C’était, dira-t-on, faire un emploi fort nouveau et fort étrange d’une partie de notre contingent. Il eût été heureux qu’on eût été arrêté par quelque prescription ou par quelque scrupule de légalité littérale dans cette opération insolite d’un recrutement tenté parmi nos soldats au profit d’une puissance étrangère. On n’eût point fait alors la légion pontificale, et on se fût épargné les stériles ennuis auxquels elle nous expose. Que cette petite leçon