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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/574

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discussion avait failli amener la rupture des négociations, et sur lequel on n’avait pu s’entendre qu’en le supprimant. Cependant ces dispositions législatives, élaborées exclusivement par le gouvernement français, tout à fait inconnues à la cour de Rome, qui n’en apprit l’existence que par la promulgation, furent livrées au public dans un gros volume officiel ayant pour titre Concordat, avec la même date que la convention synallagmatique conclue avec le saint-siège. La signature de Consalvi seule y manquait. Afin d’égarer davantage les esprits superficiels, dans l’exposé des motifs du projet de loi présenté au corps législatif et portant approbation du concordat, ils étaient qualifiés articles organiques de ladite convention[1], et M. Portails ne manqua point, insistant sur le tout, d’expliquer comment, la convention et les articles organiques étant un contrat passé avec une puissance étrangère, ils devaient, d’après la constitution, être également soumis au corps législatif[2].

Des coups si répétés, tant de ruses et de petites perfidies dans une affaire où il avait mis tout son cœur et une si ardente bonne foi attristèrent le pape, mais ne l’aigrirent point. Il n’écouta pas les conseils de ceux qui à Rome n’auraient peut-être point été fâchés de le voir se brouiller si vite avec le gouvernement français. Il n’eut point pour les ultras de sa cause les ménagemens dont le premier consul, au dire de Caprara lui-même, usait à l’égard du parti anti-religieux. Sur les trois points qui l’affectaient plus particulièrement, sa sollicitude pontificale fut empreinte de patience et d’une sorte de modération résignée. Au sujet du serment du légat, le secrétaire d’état se contenta de faire remarquer de la part du saint-père au légat qu’il y aurait peut-être lieu pour lui à demander une rectification, puisque le Moniteur ne le rapportait pas tel qu’il l’avait réellement prêté. Cependant il n’insiste pas[3]. Quant aux évêques constitutionnels, le pape, n’ayant pas encore connaissance du démenti que plusieurs d’entre eux avaient donné au procès-verbal de leur rétractation signé par MM. Rernier et de Pancemont, s’exprima sur leur compte avec la plus grande douceur. « Sa sainteté, les ayant pressés contre son sein, a la plus ferme confiance qu’elle n’aura point à se repentir de la bénignité que les avantages de l’unité lui ont fait déployer à leur égard[4]. » Sur l’affaire autrement grave des articles organiques, le cardinal Consalvi s’empressa d’écrire, dès le lendemain de l’arrivée à Rome de cette pénible nouvelle, « que le pape allait immédiatement donner l’affaire à examiner,

  1. Moniteur du 17 germinal an X, p. 791.
  2. Discours de M. Portalis au corps législatif, Moniteur du 16 germinal an X, p. 790.
  3. Lettre du cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 5 et 12 mai 1802.
  4. Note du cardinal Consalvi à M. Cacault.