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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/595

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et décupler les forces productrices des deux autres. Les chemins de fer, les mines d’or et le crédit, voilà les trois agens qui ont porté la fortune publique au degré où nous la voyons aujourd’hui. L’action en a été tellement liée qu’il est impossible de les séparer l’un de l’autre. Si l’on fait abstraction des chemins de fer, comme il n’y a pas d’accroissement dans les communications, ni de débouchés nouveaux pour les marchandises, l’or fourni par les mines devient bien vite trop abondant, et il se déprécie, ainsi qu’on pouvait le craindre au premier abord. Si c’est l’or au contraire qui fait défaut, les chemins de fer ne produisent plus toute leur utilité; ils ont beau multiplier les relations et ouvrir de nouveaux débouchés, le développement des transactions se trouve arrêté par l’insuffisance de l’instrument d’échange nécessaire. Non-seulement les chemins de fer ne produisent plus leur utilité, mais ils ne se seraient pas construits dans la proportion que nous avons vue sans le concours des mines d’or. Enfin, si le crédit ne s’était pas joint aux deux premiers pour en augmenter la puissance, on n’aurait pas eu ces merveilles de transformation économique auxquelles nous assistons depuis quinze ou seize ans.

Pour bien comprendre le rôle qu’a joué le crédit dans ce laps de temps et l’influence qu’il a exercée, il suffit de rapprocher le développement des affaires de l’augmentation des métaux précieux. Cette augmentation a pu être de 4 à 5 milliards, qui sont venus s’ajouter à un stock métallique qu’on évaluait déjà pour l’Europe, avant la découverte des mines, à 20 milliards. L’accroissement serait donc d’un cinquième, et pendant ce temps, pour ne parler que de l’Angleterre et de la France, les affaires ont plus que triplé. Le commerce extérieur de l’Angleterre, qui en 1847 était de 148 millions de livres sterling, dépassera un demi-milliard de livres sterling en 1866, et celui de la France a passé, du chiffre de 2 milliards 614 millions en 1847, à celui de plus de 7 milliards en 1865. Sans doute les chemins de fer, par leurs transports rapides, ont pu donner une utilité plus grande à tous ces métaux précieux tant anciens que nouveaux; mais, quelle que soit la part que l’on veuille faire à cet accroissement d’utilité, elle n’expliquera jamais l’augmentation du triple, qui a eu lieu dans les affaires depuis quinze ou seize ans. Il a fallu trouver ailleurs un auxiliaire puissant à joindre aux chemins de fer et aux mines d’or, et cet auxiliaire a été le crédit.

Maintenant le crédit lui-même n’aurait pas pris une telle importance sans les chemins de fer et les mines d’or. Il ne faut pas oublier que toute transaction commerciale doit se régler par le paiement d’une certaine somme en métaux précieux. On peut suppléer à ce paiement effectif par des engagemens de payer, par des billets