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chacun a les yeux sur le chapitre qui les indique, et qui, dans le bilan de la Banque, est intitulé « réserve. » Aussitôt qu’on voit cette réserve baisser, l’alarme s’empare de tous les esprits, on sent que le crédit va être suspendu, et avant qu’il en soit ainsi on cherche à s’approvisionner de ressources par tous les moyens possibles. Les uns vont retirer leurs dépôts des banques auxquelles ils les avaient confiés, les autres apportent à l’escompte tout le papier dont ils peuvent disposer, d’autres vendent des valeurs publiques pour se procurer de l’argent, et c’est sur la Banque d’Angleterre que retombe le poids de toutes ces réalisations. Elle est alors livrée aux plus grands embarras. Supposons qu’il n’y ait pas d’act de 1844 et qu’on ne voie pas la limite où devront s’arrêter fatalement les opérations de la Banque, que cette limite dépende de la confiance du public, on ne prendrait plus l’alarme aussi vite, et la plupart de ces réalisations, qui sont l’effet de la panique, n’auraient pas lieu.

On a souvent donné comme une preuve de l’efficacité de l’act de 1844 et de la confiance inspirée par la Banque qu’il régit, que dans ces momens-là les dépôts augmentaient plutôt qu’ils ne diminuaient. Cela est vrai, ils augmentent généralement et ils ont notamment augmenté de 5 millions de livres sterling dans la semaine qui a précédé la dernière crise; mais si les dépôts ont augmenté de 5 millions de livres sterling, les avances que la Banque a eu à faire par l’escompte ou autrement ont augmenté beaucoup plus, elles se sont élevées de 8 millions de livres sterling dans la même semaine. Cela se comprend : les établissemens d’escompte et de banque, pressés par les remboursemens qu’on leur demande de toutes parts, présentent à la Banque d’Angleterre tout le papier dont ils peuvent disposer, et ils y laissent momentanément en dépôt une partie des ressources qu’ils se sont ainsi procurées en attendant des besoins plus urgens. Que faudrait-il pour que ces besoins se manifestassent, et que la Banque d’Angleterre eût à rembourser les dépôts en même temps qu’à faire des avances? Il ne faudrait peut-être qu’une chose, c’est qu’on s’en tînt à l’act de 1844, et que la Banque ne fût pas autorisée à émettre des billets au-delà de la limite posée par lui. La panique alors s’accroissant de l’impossibilité où l’on serait de se procurer des ressources par l’escompte, on en viendrait à demander à la Banque d’Angleterre elle-même le remboursement des dépôts, et il serait curieux de savoir comment ce jour-là, même avec son act de 1844, la Banque s’y prendrait pour répondre à ses engagemens. Au 11 mai dernier, lors de la suspension de l’act, la Banque d’Angleterre avait en réserve 1,200,000 livres sterling pour répondre de 24 millions 1/2 de livres sterling de dépôts, en y comprenant ceux du gouvernement.