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375 millions et non pas 450 ou 500? Quel est le principe qui dicte cette limitation? Il n’y en a pas. Il a seulement été établi en 1844 que la circulation de la Banque d’Angleterre était rarement descendue au-dessous du chiffre de 14 millions 1/2 de livres sterling ou 362 millions de francs, et que jusqu’à ce chiffre il n’y avait aucun inconvénient à la laisser sans représentation métallique et à la faire reposer sur des valeurs publiques; mais si telle était la limite en 1844, qui nous dit qu’elle doit être la même aujourd’hui, et que le public ne serait pas disposé à s’arranger d’une circulation fiduciaire de 450 à 500 millions sans représentation métallique?

Dans tous les cas, cette circulation ne repose sur aucun principe scientifique; elle ne donne pas la certitude absolue que la circulation fiduciaire équivaut à la circulation métallique, puisqu’il y a toujours 375 millions de billets qui ne sont pas couverts par des espèces et qui ne seraient pas remboursés, si on les présentait au remboursement en même temps. Elle ne laisse pas non plus cette circulation s’étendre jusqu’à la limite qui lui est marquée par la confiance publique, ce qui est la seule règle à suivre en pareille matière. Si on se conforme à cette règle, la circulation fiduciaire sera plus ou moins grande selon les circonstances ; mais elle s’établira toujours de manière à répondre aux besoins réels, tandis qu’avec une limitation arbitraire comme celle qui est établie par l’act, on est en plein empirisme. On dit au public qu’il doit avoir confiance dans la circulation fiduciaire, même sans réserve métallique, jusqu’à concurrence de 375 millions, et on lui défend d’avoir confiance au-delà. Cela ressemble à cette fameuse théorie qui faisait considérer la circulation fiduciaire comme parfaitement assurée lorsqu’elle reposait sur une réserve métallique du tiers. On a vu ce qu’elle valait chez nous en 1848; personne n’y croit plus aujourd’hui. Je comprends mieux, au point de vue des principes, ceux qui disent, et nous en avons vu dans ces derniers temps, que la circulation fiduciaire qui ne repose pas absolument sur des espèces métalliques, écu par écu, est du papier-monnaie ou plutôt de la fausse monnaie, qu’elle tend à troubler les rapports économiques d’un pays en faisant considérer comme signe de la valeur ce qui n’est rien en soi, et n’a qu’une valeur de convention. Je ne partage pas cette rigueur de principes, je crois que la circulation fiduciaire bien assurée, et elle peut l’être autant que le comporte la prévoyance humaine lorsqu’elle est émise par un grand établissement placé sous le contrôle de l’état et avec des conditions de publicité suffisantes, je crois que cette circulation a sa raison d’être, qu’elle rend des services essentiels pour lesquels elle ne peut être suppléée ni par les chèques, ni par les viremens de comptes, ni par tout autre moyen