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trouvant à s’approvisionner à bon marché des céréales qui leur manquent, viendraient les chercher là où on les vendrait au-dessous du cours; d’autre part, les gens du pays, trompés par le bas prix sur la quantité des ressources dont ils peuvent disposer, au lieu de restreindre leur consommation, seraient portés à l’augmenter; et un beau jour, quand la réserve serait épuisée et la disette accrue, le pays qui aurait vendu au-dessous du cours serait obligé de racheter beaucoup plus cher, avec des sacrifices d’autant plus douloureux qu’il aurait contribué lui-même à augmenter la disette en se privant de ses réserves. Eh bien ! ce qui arriverait pour les céréales, si on s’avisait de vendre les réserves au-dessous du cours, arriverait également pour les espèces métalliques, si la Banque de France, dans les momens où le change est contraire et où par conséquent il y a disette de numéraire par rapport aux besoins, se laissait aller à donner ses ressources au-dessous du cours sous prétexte qu’elles lui coûtent moins qu’à un autre. Elle n’empêcherait pas l’élévation du prix de l’argent, et le jour où elle n’en aurait plus, où il lui faudrait bon gré mal gré s’arrêter dans ses opérations, ce jour-là ce ne serait plus la hausse de l’escompte qui aurait lieu, ce serait une panique effroyable avec toutes ses conséquences.

La Banque de France, dans les momens où le change est contraire, a le devoir de s’en préoccuper et de conserver ses ressources non-seulement pour rembourser les billets au porteur et les dépôts, qui sont tous exigibles en numéraire, mais parce qu’étant la clé de voûte du crédit, le seul établissement où l’on puisse s’adresser dans les momens de crise, il faut qu’elle ait des ressources pour ces momens-là sous peine de désastre, et elle ne peut en avoir qu’en élevant le taux de l’escompte jusqu’au degré où cela est nécessaire pour diminuer la demande. — Mais, dira-t-on, comment l’élévation du taux de l’escompte peut-elle corriger le change, empêcher l’argent de s’en aller pour payer des dettes qu’on ne peut acquitter qu’avec des espèces métalliques, ou pour faire des acquisitions de céréales ou de coton, qui ne se règlent que de la même manière? D’abord l’élévation du taux de l’escompte corrige le change parce qu’en faisant payer l’argent plus cher, elle diminue le profit qu’on trouve à l’exporter et arrête ce genre de spéculation. Quant à l’argent qui s’en va pour régler des différences ou pour payer des denrées de première nécessité, celui-là se trouve retenu aussi par l’élévation du taux de l’escompte. Du moment que le commerce est obligé de payer très cher l’argent qu’il doit envoyer au dehors, il restreint ses opérations au strict nécessaire; il achète un peu moins et il vend un peu plus en abaissant ses prix. De cette façon, l’équilibre ne tarde pas à se rétablir, et c’est en