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la péninsule de Malacca, tels ils sont aussi à Bornéo, forbans quand ils peuvent, laborieux dans la juste limite de leurs besoins de chaque jour, paisibles et soumis sous un gouvernement qui leur en impose. La pêche et le commerce sont leurs moyens avoués d’existence. Leur religion est le mahométisme. Beaucoup d’entre eux se disent shérifs, c’est-à-dire descendans du prophète, et sont acceptés en cette qualité par leurs coreligionnaires. Un grand nombre aussi se rendent chaque année à La Mecque et acquièrent au retour de ce pèlerinage lointain le titre de hadjis, qui leur confère une haute influence; par malheur, ils en rapportent aussi des fermens d’hostilité contre les Européens. Shérifs et hadjis sont les plus turbulens de leur race, et se trouvent toujours à la tête des complots.

Les Malais, peu nombreux au reste dans l’île de Bornéo, y sont sans contredit d’origine étrangère. Le gros de la population se compose des Dyaks, qui se partagent eux-mêmes en deux classes, les Dyaks de terre et ceux de mer. Les premiers résident à l’intérieur, sont pauvres, laborieux, et, sans manquer au besoin de courage, sont néanmoins plus enclins à la paix qu’à la guerre. Les autres ne vivaient au contraire, avant d’être soumis à un chef européen, que de rapines et de meurtres. Les travaux agricoles étaient abandonnés à des esclaves. Leurs maisons sont des cabanes recouvertes de feuilles, élevées sur des pieux à plusieurs mètres au-dessus du sol, comme celles des Malais, mais beaucoup plus grandes et subdivisées à l’intérieur en petits compartimens dont chacun appartient à une famille. L’ornement le plus recherché de ces habitations est un monceau de crânes humains. Ce furent d’abord les têtes des ennemis tués à la guerre ; on en vint ensuite à considérer le nombre plus que la qualité de ces barbares trophées. La chasse à l’homme fut organisée sans autre mobile que de ramasser des têtes, les cadavres furent même déterrés pour être décapités, et, comme la fraude se glisse en toutes choses, des voyageurs ont parfois reconnu dans les trophées des Dyaks des crânes de singes figurant au milieu des dépouilles humaines. L’épouvantable coutume de collectionner des têtes entretenait entre les tribus un état d’hostilité interminable, et fut l’obstacle le plus grave que rencontrèrent les Européens qui ont essayé de ramener les indigènes à des habitudes plus pacifiques. Les Dyaks semblent au reste avoir souvenir d’une civilisation plus avancée. L’art de forger le fer ne leur est pas inconnu. Les kris à lame flamboyante dont ils s’arment dans les combats sont d’un acier supérieur aux épées européennes. Le sultan de Bruni a même des fabriques de fusils et de canons. Leurs femmes ne sont pas, comme chez tant