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glise ? Pourquoi nous parler encore de cette nécessité d’un pouvoir temporel qu’elle étend ou qu’elle resserre suivant sa fantaisie du moment, qu’elle fait consister dans un état de trois millions d’hommes ou dans un jardin? Et d’ailleurs est-ce qu’elle n’est pas intervenue réellement en empêchant les autres d’intervenir et de nous porter secours? Après tout cependant, ce n’était pas notre intérêt seul que nous soutenions ; nous défendions ce qui avait été considéré jusqu’ici comme une nécessité, comme une sauvegarde pour l’univers catholique. Puisqu’on ne le veut plus, soit! S’il faut s’entendre avec l’Italie, ce n’est pas ce que nous craignons; nous sommes Italiens, nous aussi. La durée de l’église n’est point à ce prix; bien d’autres qu’elle sont moins sûrs de vivre. Nous allons voir d’étranges choses, c’est possible, c’est probable même; mais de bonne foi, sans phrases diplomatiques, croyez-vous que la France aura été étrangère à la catastrophe qui attend sans doute le pouvoir temporel? » Ce que je voudrais montrer par ce langage tranchant, un peu âpre, au moins spécieux, qui s’est gravé dans ma mémoire et que je ne fais que résumer, c’est cette amertume née de l’abandon. On a beaucoup attendu autrefois, on n’attend plus rien maintenant à Rome des puissances catholiques, et c’est déjà un obstacle de moins entre la papauté et l’Italie; c’est une barrière qui est tombée. On ne croit plus aux interventions étrangères, j’entends aux interventions efficaces, car pour des paroles on les reçoit désormais avec douceur, mais avec une parfaite incrédulité.

Je vais plus loin : ce n’est peut-être pas seulement par ce sentiment en quelque sorte tout négatif que Rome est portée vers l’Italie; elle est entraînée sans le savoir, sans le vouloir, par un courant plus direct et plus naturel. Il ne faut point oublier qu’à Rome, quelque puissante que soit la considération des intérêts universels du catholicisme, on est de vieux sang italien. Il faut bien se rappeler d’un autre côté ce qu’est l’église, une Institution d’un ordre particulier, inflexible jusqu’à un certain point, jusqu’à une certaine heure, et puis oubliant tout ce qu’elle doit oublier le jour où commence à poindre la possibilité de la réconciliation. Sans doute, dans ce monde romain aux traditions fixes et invariables, il y a toujours un parti qui tient pour l’inflexibilité, qui ne veut rien entendre, qui a dominé jusqu’Ici le saint-siège par ses conseils et qui ne reculerait pas devant les extrémités les plus désespérées; mais en même temps il s’est formé peu à peu ce que j’appellerai un autre parti, faute d’un autre nom. Ce parti, qu’on ne le cherche pas dans un cardinal d’Andréa, ce prince de l’église à demi émancipé qui s’est retiré à Naples comme un Coriolan un peu léger du sacré-collège, et qui de temps à autre fait trop parler de lui. Re-