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tent mal à l’aise, et font planer de grandes incertitudes sur la défense du territoire qui lui reste. » Et la conclusion était qu’il n’y avait pour le saint-père qu’à « attendre les périls avec cette tranquillité d’âme que donne la conscience de ne pas les avoir provoqués; » c’était dire enfin et d’un mot que tout était épuisé, qu’il ne restait plus que la Providence ! Cette circulaire, qui déchirait hardiment le voile, et qui est certainement un des actes les plus curieux de la diplomatie romaine, n’a peut-être point fortifié la position du cardinal Antonelli à Rome, au moins dans un certain monde. A tort ou à raison, le cardinal Antonelli passait pour un de ces hommes habiles qui, dans leur impénétrable diplomatie, gardent toujours quelque ressource inattendue. Avouer qu’il ne restait plus que la Providence, c’était tout à la fois dire le dernier mot de son habileté, prononcer l’oraison funèbre du pouvoir temporel, et mettre les esprits sur le chemin des solutions plus humaines, plus pratiques. C’est, je pense, ce qui est arrivé.

Quant à ce mouvement vers l’Italie qui se combine avec le sentiment de l’impossibilité de vivre d’une vie propre, rien ne le prouve mieux que cette négociation qui s’ouvrait tout à coup l’an dernier entre Rome et Florence. Elle avait cela de curieux, qu’elle était une pensée toute personnelle du pape, qui soulageait évidemment bien des esprits modérés et inquiets en déconcertant du même coup le parti de la résistance et des résolutions extrêmes. C’est Pie IX qui, de lui-même, écrivait au roi Victor-Emmanuel en lui demandant d’envoyer à Rome un négociateur, point un ecclésiastique, un laïque. Ce laïque fut M. Vegezzi, un ancien ministre piémontais, un jurisconsulte fort au courant du droit canonique, un homme sensé, calme, modéré, désireux lui-même de réussir. Je n’ai nul besoin d’entrer dans les détails de cette négociation qui se prolongeait pendant près de trois mois, qui était coupée en deux par un voyage de M. Vegezzi à Turin, où était encore le gouvernement, et qui depuis est restée plutôt suspendue que définitivement rompue. Il s’agissait uniquement et exclusivement d’un intérêt religieux, de la rentrée dans leurs diocèses des évêques absens, de l’entrée en possession de quelques autres récemment préconisés à Rome. La politique était censée absente; au fond, il était à peu près impossible de ne pas la toucher à chaque pas. Malgré tout, au premier aspect, un arrangement parut tout près de se conclure, et il y eut même un moment, tant les esprits vont vite, où l’on crut qu’après le succès de cette négociation, qui pouvait conduire à une autre, le pape ne ferait aucune difficulté de confier sa sûreté à une garnison italienne lorsque l’armée française quitterait Rome. Comment donc échouait cette négociation? Pour bien des raisons sans