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fréquens, par lesquels on éloigne les dépôts, qui sont de véritables foyers d’infection. Le parasite remonte dans la masse du liquide dès qu’il rencontre les conditions de température favorables à son développement ; les bulles de gaz qui se dégagent du fond l’aident à s’élever en faisant l’office de vessies natatoires. On voit que dans ce cas, comme dans tant d’autres, les vieilles coutumes que nous ont léguées nos devanciers expérimentés finissent par se rattacher d’une manière rationnelle aux principes de la science.

Les vins blancs sont très sujets à une troisième maladie qui n’atteint que rarement les vins rouges : c’est celle de la graisse. On la rencontre fréquemment dans les vins faibles, tels que les vins blancs du bassin de la Loire et de l’Orléanais. Les vins attaqués perdent leur limpidité naturelle, prennent un goût plat et fade, filent comme de l’huile lorsqu’on les transvase. Cette altération est encore due à un ferment organisé. On trouve dans le vin gras des chapelets de globules arrondis excessivement petits ; un millier de ces globules rangés à la file couvre à peine un millimètre. Les chapelets, enchevêtrés et agglutinés par une matière muqueuse, forment quelquefois une véritable peau. Il est très probable que les germes de ce ferment sont empruntés à des grains de raisin qui ont pourri sur le cep par l’effet du même parasite. La surface un peu gluante du raisin retient facilement les poussières que les vents y déposent ; que la peau se déchire en un point quelconque, les germes des champignons pénétreront dans les tissus du fruit, s’y développeront en altérant les sucs, et viendront continuer cette œuvre de destruction dans la cuve de vendange et dans le vin qu’elle fournit. Les germes des infusoires, bactéries, kolpodes, vibrions, anguillules, ne prospèrent pas dans les liquides fermentes tels que le vin, parce que l’acidité les fait périr. Les germes qui y trouvent un milieu favorable et s’y développent, ce sont ceux des fermens végétaux qui peuvent s’accommoder d’une certaine proportion d’oxyde et d’alcool.

M. Pasteur a enfin étudié la maladie de l’amertume, maladie qui porte un grand préjudice au commerce des vins, parce qu’elle atteint de préférence les vins vieux, c’est-à-dire les meilleurs crus. Ce sont les coteaux célèbres qui souffrent le plus de cette dégénération du vin ; l’amer ou goût de vieux est en quelque sorte, si on veut nous permettre cette comparaison, une maladie aristocratique, comme la goutte. Tous les vins rouges peuvent la contracter, mais surtout les vins les plus délicats de la Côte-d’Or. Par contre, les vins communs sont plus que les grands vins sujets à tourner. La saveur amère est souvent précédée par un léger goût fade et doucereux ; si l’on n’y prend garde, le vin tourne à l’amer et se gâte tout à fait. Dans ce cas encore, on constate l’action d’un ferment particulier. Lorsqu’on examine au microscope une goutte de vin amer, on y remarque des espèces de branchages rameux, noueux, plus ou moins articulés, incolores, rougeâtres ou même d’un brun foncé ; ils représentent le ferment de l’amer. A côté de ces filamens, que l’on peut à première vue confondre