sente à expier ses torts par une obéissance exemplaire à la volonté du pays, il est presque impossible de prévoir un autre dénoûment à ces querelles que l’emploi de la violence légale par le congrès ou de la force brutale par le président. La déposition par le congrès ou bien l’appel à la guerre civile, telle nous paraît être jusqu’à nouvel ordre l’alternative où M. Johnson est enfermé. S’il s’applique enfin à obtenir une conciliation tardive, il rencontre de tous les côtés les résistances qu’il a lui-même suscitées ou exaspérées à plaisir. Viendrait-il à présent donner au sud le conseil de se résigner doucement à l’exigence des radicaux, lui dont la désastreuse influence a arrêté la contagion salutaire de l’exemple de soumission donné par le Tennessee à l’amendement du congrès? Ses avis de résistance et d’indiscipline n’ont été que trop bien écoutés par ces vaincus si humiliés naguère, et redevenus maintenant si orgueilleux. Déjà, en septembre dernier, la législature de la Caroline du Sud avait voté solennellement l’égalité absolue des droits civils, abolissant d’un seul coup toutes les lois contemporaines de l’esclavage, excepté celles qui interdisent le mariage entre les deux races. On espérait que le gouverneur Orr allait engager l’assemblée à adopter l’amendement constitutionnel et à décréter des élections nouvelles de représentans loyaux qui pussent prêter sans effort le serment du congrès, et voilà qu’aujourd’hui, encouragé par des conseils funestes, il repousse avec éclat toute idée de soumission. Le gouverneur de la Géorgie imite son collègue, et si le président veut obtenir la soumission d’un état du sud, il est obligé de s’adresser à ces républicains de la Louisiane qu’il a laissé massacrer et intimider par les rebelles. Que peut-il dire enfin à ces radicaux du congrès encore tout fiers de leur victoire et tout irrités de ses injures? Quel langage insinuant leur tenir dans son message pour obtenir d’eux qu’ils s’arrêtent à cet amendement mitigé qu’il a eu la folie de combattre? Il les a tellement courroucés qu’ils ne garderont plus aucune mesure, et qu’ils profiteront de leur omnipotence pour imposer aux états du sud une obéissance absolue au lieu de cette obéissance partielle dont ils se seraient contentés naguère. L’opinion publique, si opposée jadis aux idées radicales, les encourage maintenant à ne pas s’arrêter dans une voie qui a pour terme inévitable l’égalité absolue des races. Ne venons-nous pas de voir les républicains de Boston prendre deux hommes de couleur pour candidats à la législature ? La convention radicale de Philadelphie n’a-t-elle pas nommé Frédéric Douglass un de ses vice-présidens? Ce sont les signes précurseurs d’une révolution sociale aussi profonde que celle qui a détruit l’esclavage, et quand les préjugés de couleur tendent partout à disparaître, le congrès peut har-
Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/829
Apparence