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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/833

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ANTOINE WIERTZ
UN PEINTRE BELGE CONTEMPORAIN

Aujourd’hui ceux qui s’intéressent aux destinées de ce que l’on appelle la grande peinture n’ont pas lieu d’être très satisfaits. De l’avis général, les tableaux dont les sujets sont empruntés à l’histoire, à la religion, à la poésie, c’est-à-dire aux sphères supérieures de l’esprit humain, sont, à quelques rares exceptions près, ou médiocres ou mauvais. Écoutez ce que disent les critiques les plus compétens après avoir visité le salon des expositions annuelles : chaque année, leurs impressions sont plus tristes, plus découragées ; elles le sont à tel point que c’est avec effort et comme pour remplir un devoir ingrat qu’ils prennent la plume et qu’ils parlent de quelques toiles choisies parmi ces milliers d’œuvres improvisées qui se disputent l’attention du public. — Ce n’est point, disent-ils, que l’on ne rencontre fréquemment quelques-unes des qualités qui font un bon peintre ; fréquemment la brosse est maniée d’une main habile, le coloris est vigoureux, harmonieux, et la nature est bien rendue. Partout où il ne faut point représenter l’homme avec ses idées, ses sentimens, ses passions, l’artiste réussit. Le paysage, les animaux, sont traités avec un succès incontestable, et si l’histoire est abordée, tout ce qui concerne la mise en scène, le costume, les armes, l’ameublement, les détails d’architecture sont reproduits avec une exactitude si scrupuleuse que l’archéologie la plus exigeante ne trouve rien à y reprendre ; mais trop souvent l’on cherche en vain l’idée, l’inspiration, ces hautes qualités qui commandent l’admiration des contemporains et qui font passer les œuvres d’art à la postérité. Elles deviennent rares, les toiles dignes de porter aux temps à venir la preuve de la fécondité du XIXe siècle. Dela-