Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/929

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’ont pour ainsi dire pas de masse, et qu’on a pu appeler des riens visibles[1]. Ici une considération intervient pour obscurcir le problème. L’extrême légèreté des comètes doit les rendre sensibles à la résistance d’un milieu universel sans nul doute, mais elle les expose aussi à des perturbations d’autres sortes. Elles sont puissamment déviées de leur route lorsqu’elles passent dans le voisinage des corps planétaires. Quand la comète de Lexell a traversé en 1770 les satellites de Jupiter, la durée de sa révolution s’est trouvée brusquement réduite de cinquante ans à cinq ans et demi. Comment discerner au milieu de perturbations de cet ordre l’influence de l’éther ? La comète d’Encke, dont la périodicité est connue depuis 1818, n’a qu’une révolution de très courte durée, trois ans et un quart environ ; son orbite est comprise tout entière dans celle de Jupiter. En comparant ses apparitions successives depuis 1818, on a remarqué une diminution graduelle dans la durée de sa révolution ; on a prouvé d’ailleurs que cet effet ne provenait pas de l’action perturbatrice des planètes. Certains astronomes en ont conclu qu’il devait être attribué à la résistance d’un milieu, et ils ont vu là une première démonstration astronomique de l’existence de l’éther ; mais cette conclusion, tirée d’un exemple unique, au milieu de l’incertitude qui règne encore sur la plupart des particularités du mouvement cométaire, ne peut pas être regardée comme bien rigoureuse.

Ainsi les observations astronomiques ne fournissent aucun fait caractéristique au sujet de la résistance d’un milieu, et il n’y a rien à conclure à cet égard ni de la marche des planètes ni de celle des comètes ; mais nous avons à nous demander maintenant si l’explication qui vient d’être donnée au sujet de l’origine de l’attraction n’éclaire pas le problème d’un jour tout nouveau. L’analyse mathématique ramène à deux forces les causes qui produisent le mouvement curviligne des astres ; une force initiale d’impulsion ou vitesse acquise tend à les diriger en ligne droite, tandis que la gravité en in-

  1. Il n’y a pas fort longtemps que l’on est fixé sur l’extrême ténuité de la matière cométaire. Auparavant on avait toujours considéré le choc de ces astres comme redoutable pour les planètes. C’est à un choc de cette nature que Buffon attribuait l’origine de notre système planétaire ; une comète, en se jetant sur le soleil, en aurait détaché des fragmens de matière et les aurait lancés dans l’espace. C’est encore à des chocs de cette espèce que divers géologues attribuaient les cataclysmes terrestres ; des comètes, en touchant la terre, en auraient déplacé l’axe de rotation et déterminé les grands déluges. Il ne reste plus rien de pareilles opinions. Les comètes sont regardées aujourd’hui comme des astres tout à fait inoffensifs, incapables de troubler la paix du monde. On les a vus passer tout près des planètes sans y causer aucun désordre ; on a vu deux fois la comète de Lexell se jeter au travers des satellites de Jupiter sans y produire aucun dérangement. D’après les récens calculs de M. Faye, le noyau des comètes, qui on est la partie la plus compacte, est à peine neuf fois plus dense que l’air qui reste dans nos machines pneumatiques après que nous y avons fait le vide aussi complètement que possible ; quant à la densité de la queue, elle serait dix billions de fois moindre.