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expliquait tous les mouvemens des corps à la surface des planètes et ceux des astres dans l’espace. Les principaux développemens de cette loi furent réunis dans l’immortel traité des Principes mathématiques, que Newton publia vers la fin de l’année 1687.

Parvenu à un principe qui embrassait l’ensemble du monde, Newton en fit lui-même de brillantes applications. Il prouva que la terre en tournant a dû s’aplatir vers les pôles, et il détermina la mesure suivant laquelle varient les degrés du méridien. Il vit que les attractions du soleil et de la lune font naître et entretiennent dans la mer les oscillations qui en constituent le flux et le reflux. Il montra enfin comment le renflement du sphéroïde terrestre à l’équateur et l’inclinaison de l’axe polaire sur l’écliptique déterminent le phénomène de la précession des équinoxes. Il connut d’une façon générale, même avec précision sur quelques points, les perturbations qui affectent le système planétaire. Si l’on considère une seule planète gravitant vers le centre du soleil, elle doit obéir strictement aux lois de Kepler, mais il n’en est plus de même si on considère l’attraction de plusieurs astres les uns vers les autres, si au lieu de deux corps on en prend trois ; les conditions changent alors, et les mouvemens se compliquent jusqu’à devenir très difficilement abordables à l’analyse. Newton assigna le sens et parfois la valeur numérique de quelques perturbations planétaires, traçant ainsi dans leur germe les méthodes qui devaient de nos jours permettre au calcul d’aller chercher la planète Neptune aux extrémités du système solaire. Il connut ces phénomènes perturbateurs qui affectent les élémens des orbites planétaires et que l’astronomie divise en deux catégories, les inégalités séculaires à très longue échéance, et les inégalités périodiques dont le terme n’est que de quelques années ; mais quand il vit que les ellipses planétaires s’approchent ou s’éloignent successivement de la forme circulaire, que les orbites ne restent pas toujours également inclinées sur un plan fixe, qu’elles coupent l’écliptique suivant des lignes qui se meuvent dans l’espace, une pensée décourageante entra dans son esprit. Il lui sembla que les faibles valeurs de toutes ces variations, en s’ajoutant à la suite des siècles, devaient bouleverser le système du monde ; il déclara que ce système n’avait pas en lui-même des élémens durables de conservation, et qu’il fallait qu’une puissance transcendante intervînt de temps en temps pour en réparer les désordres. Leibniz releva vivement une pareille opinion, et se moqua de cette croyance à un miracle intermittent. Newton riposta par des railleries au sujet de la doctrine de l’harmonie préétablie, qui était, il faut l’avouer, une des conceptions les plus bizarres de la métaphysique. La querelle s’aigrit même et se compli-