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baires et ceux-ci à un fragment de la moelle, et qu’on fasse passer un courant dans l’un des nerfs, on obtiendra non-seulement l’excitation directe du membre correspondant, mais aussi le mouvement réflexe de l’autre cuisse. Il nous semble que ces résultats bien connus et accessibles à l’expérience vulgaire fournissent de sérieux élémens de conviction. Si maintenant on vient à prouver que le flux qui arrive aux muscles ne peut pas être confondu avec le courant électrique, qu’il faut le regarder comme étant de nature spéciale et l’étudier sous un nom distinct, il n’y aura rien dans cette circonstance qui puisse infirmer les résultats que nous exposons. À l’abri de cette déclaration, nous continuerons à parler de l’action nerveuse comme d’un flux électrique. On pourra, si l’on veut, ne voir dans ce langage qu’une représentation figurée des phénomènes ; elle sera suffisamment exacte pour justifier les conséquences que nous voulons mettre en lumière.

Ainsi le nerf excite le muscle. Est-ce à dire que le nerf ait lui-même toute la force vive qui va se développer dans le muscle ? Eh non ! puisque le muscle prend directement cette force dans l’oxydation de ses tissus. Le nerf ne fait que susciter l’action chimique, il n’opère en quelque sorte que le déclanchement d’un mécanisme. C’est ainsi qu’une étincelle produit l’explosion d’un mélange gazeux ; c’est ainsi qu’une allumette détermine la combustion d’un foyer ; c’est ainsi qu’en ouvrant un robinet on fait couler toute l’eau accumulée dans un réservoir. On est donc conduit naturellement à penser que le travail du nerf est extrêmement petit, si on le compare à celui du muscle. M. Matteucci a mis ce fait en évidence par une expérience directe. Il suspendait un poids au muscle principal de la jambe d’une grenouille, et il envoyait un courant électrique dans le nerf attaché à ce muscle. La contraction musculaire soulevait le poids, et il était facile d’estimer l’effort en kilogrammètres. On pouvait de même évaluer par un calcul simple la combustion du 4nc produite dans la pile pendant la durée très courte de l’excitation. M. Matteucci trouvait ainsi que le travail fait par le muscle était au moins vingt-sept mille fois plus grand que le travail chimique ou calorifique de l’excitation nerveuse.

Remontons encore et rapprochons-nous de l’origine du mouvement. Si petit que soit le travail du nerf, comment s’accomplit-il ? Pour déterminer dans le nerf la naissance d’un courant, il suffit qu’un circuit se ferme quelque part, à l’intérieur ou à la périphérie de la cellule nerveuse, et cette action elle-même n’est qu’une très petite partie de l’action que le courant peut produire. Sur la manière dont peut se fermer un pareil circuit, nous ne saurions rien préciser. Nous dirons, s’il s’agit d’un mouvement volontaire, que