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défendrons pas de ce reproche, sentant trop bien que nous l’avons mérité. Il eût mieux valu peut-être laisser plus de points dans l’ombre et nous borner aux faits certains. Qu’on nous pardonne quelques indications trop conjecturales ; les résultats acquis sont considérables, et quelques suppositions téméraires ne peuvent pas les compromettre.

Ces résultats acquis, nous pourrions au besoin les couvrir de l’autorité d’un éminent physicien. M. de Sénarmont, dans la dernière année du cours qu’il professait avec tant d’éclat à l’École polytechnique, et que la mort est venue si tôt interrompre, résumait ainsi sa pensée sur le progrès des sciences physiques : « Récemment encore chaque groupe de faits reconnaissait un principe spécial ; le mouvement et le repos résultaient de forces assez mal définies spécifiquement, mais qu’on était convenu d’appeler mécaniques ; les phénomènes de chaleur, d’électricité, de lumière, assez mal définis eux-mêmes, étaient produits par autant d’agens propres, de fluides doués d’actions spéciales. Un examen plus approfondi a permis de reconnaître que cette conception de différens agens spécifiques et hétérogènes n’a au fond qu’une seule et unique raison, c’est que la perception de ces divers ordres de phénomènes s’opère en général par des organes différens, et qu’en s’adressant plus particulièrement à chacun de nos sens ils excitent nécessairement des sensations spéciales. L’hétérogénéité apparente serait moins alors dans la nature même de l’agent physique que dans les fonctions de l’instrument physiologique qui forme les sensations, de sorte qu’en transportant par une fausse attribution les dissemblances de l’effet à la cause, on aurait en réalité classé les phénomènes médiateurs par lesquels nous avons conscience des modifications de la matière plutôt que l’essence même de ces modifications… Tous les phénomènes physiques, quelle que soit leur nature, semblent n’être au fond que des manifestations d’un seul et même agent primordial… On ne saurait plus méconnaître cette conclusion générale de toutes les découvertes modernes, quoiqu’il soit impossible encore d’en formuler nettement les lois et les particularités conditionnelles. » Ainsi parlait M. de Sénarmont dans un enseignement classique où ne devait trouver place aucune doctrine hasardée.

Nous ne sommes point tenu à la même réserve. Aussi avons-nous formulé plus explicitement le système qui semble résumer les travaux et exprimer le sentiment général de la physique contemporaine. L’éther agité remplit l’espace. Les atomes éthérés forment par leur agrégation des molécules, celles-ci des corps. Entre ces atomes, ces molécules, ces corps, ont lieu les échanges de mouvement qui constituent pour nous la chaleur, la lumière, l’électricité.