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propre cause à plaider. Vénus, de son temple voisin, sourit en voyant celui qui était patron se faire client. »

Mais ces beautés qui tournent la tête des jurisconsultes et des avocats romains courent quelque danger à mettre le pied dans leur empire, car il s’y trouve parfois des habitués du lieu très bien mis, et qui deviennent soudain amoureux du manteau que porte une des belles promeneuses. On entend alors le forum, rendu à sa destination primitive, retentir de cent cris qui redemandent le bien volé.

Ovide a aussi pour elles des conseils qui se rapportent à leurs fructueuses promenades. Sauf le Champ de Mars, réservé aux exercices des hommes[1], les lieux qu’il les invite à fréquenter sont les mêmes : les portiques de Pompée, d’Apollon, d’Agrippa, le temple d’Isis, le théâtre et le cirque. Il y ajoute les amphithéâtres temporaires dont il n’a point encore parlé, où l’arène, dit-il, est rougie de sang ; singulier accompagnement des liaisons amoureuses, mais dont aucune dame espagnole ne s’étonnera !

Chaque époque de l’année romaine avait, dans l’antiquité comme de nos jours, son aspect particulier, et le devait alors, comme aujourd’hui, aux solennités de chaque mois. Cette histoire de l’année romaine, qui, elle aussi, se comprend mieux à Rome, est éparse dans les poètes. Elle est réunie, et on peut la suivre sans interruption dans les Fastes d’Ovide, qui est un calendrier poétique.

Rome, au commencement de janvier, avait un air de fête que lui donnaient les étrennes et l’entrée en charge des magistrats ; on se visitait, on se portait des cadeaux ; chacun allait, en habit blanc, faire ses dévotions à Jupiter, dans le temple du Capitole. On fait encore les visites et les cadeaux, les strenœ, dont l’usage, qui remonte à Numa ; s’est conservé jusqu’à nous avec leur nom (strena, étrenne), et d’ici s’est répandu dans toute l’Europe. Il n’y avait pas d’autres grandes solennités durant le mois de janvier, le plus froid de l’année à Rome, comme il n’y en a pas aujourd’hui pendant le mois de juillet et la première partie du mois d’août, parce que c’est l’époque des chaleurs excessives.

Le mois de février amenait les folles Lupercales, qui donnaient à Rome l’aspect de gaîté bruyante qu’elle offre aujourd’hui, vers la même époque, pendant le carnaval, et peu de jours après les fêtes publiques des morts, pendant lesquelles on allait, comme on va aujourd’hui à Rome le jour des morts, visiter les tombes de ses

  1. Ovide, en faisant allusion à la natation dans le Tibre, l’un de ses exercices, nomme aussi la très fraîche eau virgo (gelidissima virgo) ; ce qui peut s’entendre du frigidarium des thermes d’Agrippa.