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dissolution de la chambre. Ce n’est pas, à proprement parler, la question du droit de réunion et l’interdiction des meetings, en Vénétie qui ont fait perdre la majorité au cabinet Ricasoli. La majorité doit avoir été entamée par le système ministériel de la séparation de l’église et de l’état, et surtout par l’insuffisance de la combinaison financière que l’on avait unie avec une affectation d’habileté subalterne à la réalisation d’une réforme politico-religieuse. Inaugurer un état de choses tout nouveau dans les rapports de l’état avec l’église, et à la faveur d’une expérience si élevée par sa nature, si importante par ses conséquences, brusquer un marché d’argent sur les biens de l’église avec une maison financière d’une force au moins douteuse, c’était se jeter dans une confusion inextricable et s’exposer à une série de déconvenues et d’échecs. La question politique et religieuse de la séparation de l’église et de l’état était en elle-même assez difficile et assez compliquée ; elle demandait le sacrifice d’habitudes trop invétérées pour qu’il fût sage de ne point l’étudier et la résoudre séparément et toute seule. Y joindre une affaire d’argent avant d’avoir tranché la difficulté théorique, c’était dénaturer la question et l’abaisser ; la subordonner aux chances des finances italiennes, c’était la noyer dans des difficultés dont le débrouillement rapide était impossible. On ne peut pas faire à la fois par un acte simultané des choses si nombreuses et si diverses. Le budget hétérogène et mystique de M. Scialoja devait donc amener inévitablement la dissolution de la majorité. Si le ministère obtenait du roi le droit de dissoudre la chambre et entendait maintenir le budget Scialoja, c’est-à-dire du même coup fonder l’église libre dans l’état libre et combler les déficits du budget au moyen de la convention Laugrand, nous ne pensons point que les élections générales pussent prolonger son existence. Cependant l’état de l’Italie n’admet point les lenteurs d’une crise ministérielle ou parlementaire. Il faut que le pouvoir prenne rapidement son parti, et qu’on forme un ministère vivifié par des élémens nouveaux et capable de rassurer les intérêts par sa force évidente.

L’Angleterre elle-même n’est point à l’abri des secousses désagréables et des incertitudes déplaisantes. Le fenianisme lui donne des alertes jusque sur le sol anglais. Il faut que cette aimable confrérie ait dans les grandes villes anglaises une organisation très complète, pour qu’à un jour donné Liverpool et Manchester aient pu envoyer à Chester des centaines de fenians qu’on disait convoqués et rassemblés pour le pillage d’un dépôt d’armes. On ne comprend rien à ces émeutes muettes de déguenillés, qui ne créent point, si l’on veut, de périls graves, mais qui interviennent ainsi comme un intermède repoussant dans la vie sociale et politique de l’Angleterre. Bien au-dessus du fenianisme et ouvrant à la politique intérieure du royaume-uni des perspectives plus dignes d’elle, se présente la réforme électorale avec ses luttes oratoires dans la chambre des communes, et l’agitation des masses dans les grands centres de population. Le cabinet tory s’est décidé à mettre activement la main à la solution de la question