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institutions les plus différentes sont désignées par le même mot. Historiens et chroniqueurs parlent à peine de ce que précisément nous voudrions le plus savoir, et quand ils en disent quelque chose, c’est en s’excusant d’un détail qui semblait sans doute inutile aux contemporains. Quelle funeste abondance de ressources pour les débats de l’histoire! Ajoutez-y pour les Italiens de nos jours trois siècles de malheurs, nulle pratique de la liberté, les excès de la théorie et l’obscurcissement inévitable du sens politique. Et cependant comment juger sainement du présent, si l’on n’a pas quelque assurance de comprendre le passé? comment se préserver des fautes possibles, si l’on n’est pas édifié sur celles que l’on a faites?

C’est une heureuse rencontre, à notre avis, que celle d’un écrivain étranger à qui la langue, le pays, les annales mêmes de Florence sont choses familières, et qui raconte les destinées de cette république non pour charmer les loisirs des lettrés, ni pour plaider une cause et servir un intérêt, mais pour faire connaître telle qu’elle fut en réalité cette organisation politique particulière, qui n’était ni une république, comme la représente Sismondi, ni une municipalité romaine, comme on l’imaginerait d’après Romagnosi et les admirateurs exclusifs du droit romain, — qui était tout simplement la commune de Florence, il comune di Firenze. — Versé dans l’étude des chroniques et des histoires presque innombrables de la Toscane, préparé à ce grand et sérieux travail par des ouvrages historiques de détail, surtout par dix-sept années de lectures et de méditations, M. Adolphus Trollope satisfait à la première des conditions pour écrire; il connaît bien ce dont il parle. Étranger, il est affranchi des préjugés qui nuisent le plus à l’histoire d’Italie sous la plume des Italiens. Anglais, il applique très heureusement à l’histoire les idées politiques et la philosophie du gouvernement de son pays, que le mot de self-government résume si bien; il juge d’après ces idées ce peuple florentin, cette nation de cent et quelques mille âmes, qui a cherché durant quatre siècles ce même self-government et ne l’a réellement pas trouvé. C’est la partie la plus originale de l’œuvre. D’ailleurs à ses maximes de citoyen se joignent des habitudes d’esprit pour ainsi dire nationales. Son procédé ordinaire est l’induction, la méthode baconienne. Il étudie les faits, il en recherche les causes avec cette patience imperturbable et cette philosophique lenteur qu’un Anglais peut se permettre, que la passion italienne et la vivacité française ne supporteraient peut-être pas.

Les lecteurs qui suivent le mouvement de la littérature anglaise savent que M. Adolphus Trollope a déjà publié la Jeunesse de Catherine de Médicis, la Vie de Philippe Strozzi, Paul le Moine et Paul le Pape, d’autres monographies encore. Ce genre d’ouvrages,