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riens ont signalées dès l’origine, et on pourra les répartir entre les dix parties du discours; mais si, au lieu de s’en tenir à ces analogies superficielles, on compare entre eux terme à terme les élémens mis au jour par l’analyse, on verra ressortir des identités ou des analogies plus profondes. Ainsi l’on s’aperçoit très vite que les syllabes comme el, tion, dont nous avons parlé, se trouvent dans un très grand nombre de mots français, y jouent toujours le même rôle, et classent ces mots dans certaines catégories logiques. Cette simple remarque abrège beaucoup le travail de l’analyse. Une fois que l’on a isolé les élémens simples qui se reproduisent continuellement dans la langue que l’on étudie, et qu’on en a dressé la liste, il ne reste plus qu’à les reconnaître dans les mots non encore analysés où on les rencontre. Or ces élémens, auxquels les philologues ont donné le nom de suffixes et préfixes, sont toujours très peu nombreux et peuvent tenir dans deux ou trois pages d’écriture. Quant aux monosyllabes qui, comme sta, dans le mot analysé plus haut, donnent aux mots entiers la signification fondamentale, ils sont au contraire fort nombreux dans chaque langue, et peuvent s’y élever à plusieurs milliers. De plus chacun d’eux ne se trouve jamais que dans un nombre assez restreint de mots reposant tous sur l’idée fondamentale qu’il exprime.

On voit que le classement des mots dans une langue donnée peut s’opérer de deux façons. Si l’on prend pour base la racine, on réunira dans un même groupe tous les mots où elle se rencontrera : ainsi état, station, statuer, constituer, substituer, restituer et plusieurs autres formeront un groupe naturel reposant sur l’idée exprimée par la racine sta. On pourrait au contraire grouper les mots d’après les terminaisons comme dans les dictionnaires de rimes et mettre ensemble tous ceux qui finissent par tion, par ment, par ant, et ainsi des autres; on obtiendrait par là des familles artificielles, analogues à celles de Linné dans la botanique. La bonne classification se fait par la comparaison de tous les élémens des mots : les groupes les plus élevés reposent sur l’élément fondamental, qui est la racine; les groupes secondaires sur les autres élémens, utilisés pour le classement d’après l’importance relative de chacun d’eux. On forme ainsi des divisions naturelles où sous chaque racine sont rangés toujours dans le même ordre les mots qui la renferment, et qu’à cause de cela on appelle ses dérivés.

Nous supposons maintenant que l’œuvre de la répartition des mots en familles, genres et espèces naturelles est terminée pour un grand nombre de langues, pour toutes, s’il est possible. Il reste encore à faire le travail d’ensemble et à comparer les langues entre elles. On comprend que cette comparaison ne doit pas être vague,