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chues. Quoique ayant donné sa démission en faveur de son frère, l’ancien roi ne laissait pas que de tenir une sorte de petite cour, où se rencontraient une certaine quantité d’étrangers mal disposés pour le premier consul et quelques émigrés français qui passaient, à tort ou à raison, pour servir de correspondans aux princes de la maison de Bourbon. Grâce à son esprit facile et liant, M. Cacault, représentant très considéré d’un gouvernement très puissant et non moins redouté, s’était, sans aucun abandon de ses devoirs ni de sa dignité, fort heureusement tiré de tous ces petits embarras. Le cardinal Fesch ne manqua point, dès ses premiers pas, de s’y heurter très violemment. Son prédécesseur avait vécu sur le pied d’une aimable familiarité avec le cardinal secrétaire d’état Consalvi, avec la plupart des membres du sacré-collège, avec tous les chefs des missions étrangères : les secrétaires de sa légation, quoique l’un d’eux, M. de Chateaubriand, lui eût été imposé malgré lui, avaient eu part à sa confiance et à ses bonnes grâces. Toujours empressé à concilier et à plaire, il n’était point de frais qu’il n’eût faits pour se rendre agréable à la société romaine, qui a toujours été par elle-même une sorte de puissance. En quelques mois, le nouvel ambassadeur avait changé tout cela. Il passait des notes aigres au cardinal Consalvi ; il entrait en susceptibilité avec ses collègues du sacré-collège comme avec ceux du corps diplomatique, et se brouillait à peu près publiquement avec l’auteur du Génie du Christianisme. Le vide se faisait insensiblement autour de sa personne, et par une conséquence naturelle, tandis que le monde officiel du Vatican et la société romaine elle-même, habituée à plus d’égards, s’éloignaient peu à peu de l’oncle du premier consul, celui-ci, de plus en plus mécontent, les dépeignait de bonne foi à son neveu comme animés au fond contre lui d’une sourde hostilité et gardant à son endroit une incurable défiance.

Disons-le toutefois à la décharge du cardinal, cette attitude de hauteur et de mécontentement qu’il avait prise en arrivant à Rome n’était point tout entière de son fait. Elle lui avait été commandée par le premier consul ; elle entrait dans ses desseins. Depuis qu’il méditait, sans oser l’avouer encore à personne, de faire venir le pape à Paris, Napoléon avait tendu vers ce but tous les ressorts de sa politique à l’égard de la cour de Rome. Il ne se dissimulait pas à quel point cette démarche coûterait nécessairement à Pie VII. Si grands qu’il estimât les services rendus par lui à la religion catholique, si bien disposé qu’il sût le saint-père à son égard, il ne se flattait nullement d’obtenir une pareille grâce de la seule reconnaissance. Il dépendait de lui, il est vrai, à propos des articles organiques et de tant d’autres questions restées pendantes, de faire entrevoir au pieux pontife la possibilité de quelques nouvelles