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La nature de ces débris organiques permet d’en déterminer l’âge dans la série des temps géologiques ; tous appartiennent à l’époque tertiaire pliocène. La disposition qu’ils affectent, l’épaisseur des couches qui les contiennent montrent en outre qu’ils ont mis à se déposer au fond des mers un laps de temps considérable. C’est dans cet intervalle que le sol de l’île a été bouleversé et remanié à mainte et mainte reprise par les éruptions volcaniques. Les trachytes en fusion sont sortis des entrailles de la terre dès le début de la période, et ont formé en certains endroits, notamment au nord de Milo, des buttes autour desquelles les matières sédimentaires ont continué de se déposer. Dans la partie orientale de l’île, les éruptions ne se sont faites que plus tard, et enfin, vers le sud, quand les masses trachytiques sont sorties à la surface, elles ont rencontré les roches fossilifères déjà stratifiées, les ont brisées et soulevées. C’est à la même époque qu’ont commencé de se produire les diverses émanations gazeuses qui depuis lors ont été en diminuant sans cesse, et qui nous présentent maintenant une image très affaiblie de ce qu’elles ont été au début. À la place de puissans geysers lançant des flots d’eau bouillante et abandonnant des aimas de silice, à la place d’énormes jets de vapeurs sulfureuses, qui décomposaient les trachytes et transformaient les calcaires, nous n’avons plus à présent que des dégagemens d’acide carbonique mélangé d’une faible proportion d’hydrogène sulfuré. Nous assistons à une dernière phase d’activité éruptive, qui durera probablement encore bien des siècles.

Quand on rapproche l’état actuel de Milo de ce que nous font connaître les descriptions détaillées des savans qui ont visité et étudié l’île il y a quelques années, on voit que l’éruption de Santorin n’a exercé jusqu’à présent aucune influence sensible sur les phénomènes qui s’y produisent. Les principaux centres volcaniques de la Grèce, bien qu’alignés dans une même direction qui vient rencontrer la cratère de Santorin et séparés de celui-ci par une assez faible distance, n’ont pas ressenti le contre-coup de la poussée souterraine qui depuis plusieurs mois y agit avec tant d’intensité. Ils présentent dans leurs manifestations les uns par rapport aux autres une certaine indépendance qu’il était impossible de prévoir. Ils oui dans les profondeurs de la terre des foyers actuellement distincts, bien qu’ils aient été engendrés par l’ouverture d’une même fente de l’écorce terrestre, et que dans l’origine ils aient été certainement en communication facile. Les observations faites à Sousaki, à Méthana et à Milo s’accordent ainsi pour prouver l’isolement souterrain de ces trois points et l’obstruction presque complète du sillon auquel ils doivent leur commune origine.


F. FOUQUÉ.