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de fortune, mais payant des cotisations annuelles identiques. Au bout de chaque année, on répartissait la masse commune entre les héritiers des sociétaires décédés. Les vices de ce mécanisme, où l’enfant de onze ans payait une annuité égale à celle d’un homme dans toute la vigueur de l’âge, ou les héritiers d’un associé mort dès le 2 janvier recevaient la même part que si leur auteur était décédé onze mois plus tard, amenèrent une prompte réforme ; et les sociétés Royal Exchange et London Assurance Company, formées en 1720, s’engagèrent à payer une somme fixe après le décès de l’assuré, moyennant une prime fixe, graduée d’après certaines chances plus ou moins bien appréciées de mortalité.

On verra plus loin comment ces sociétés, dites à primes fixes, qui procurèrent à leurs fondateurs des bénéfices considérables, amenèrent en 1762 la création de l’Equitable Society, mutualité nouvelle, irréprochable cette fois en son organisation, mais ayant pour objet, comme l’Amicable, de garantir des assurances en cas de mort. Toujours est-il qu’en France les premières sociétés s’établirent sur le système des primes fixes, et qu’elles développèrent surtout les opérations de rentes viagères, c’est-à-dire d’assurances en cas de vie. C’est seulement en 1787 qu’un arrêt remarquable avait mis fin à la prohibition de nos anciens jurisconsultes contre les opérations aléatoires ayant la vie humaine pour enjeu, et autorisé la formation d’une société qui assurait à ses membres des ressources pour eux-mêmes dans leur vieillesse ou pour leurs héritiers après leur mort ; mais après cette société, qui ne fonctionna que jusqu’en l’an II, il fallut attendre jusqu’en 1819 pour voir l’établissement de notre première compagnie, la compagnie d’Assurances générales, suivie à des intervalles plus ou moins éloignés d’une douzaine d’autres, en tête desquelles figurent la Nationale et l’Union, et dont les dernières datent de quelques années à peine. Toutes ces associations, créées sous la forme anonyme, ont dû recourir à l’autorisation du gouvernement ; toutes ont eu à la fois pour objet de constituer des assurances en cas de vie et en cas de mort moyennant le paiement d’une prime, soit payée une fois pour toutes, soit annuelle.

En vertu de quelles combinaisons ont-elles perçu cette prime ? quels calculs ont-elles produits ? quelles chances ont-elles courues ? Il n’entre pas dans le plan de cette étude de refaire l’histoire du calcul des probabilités, cette science fondée par Pascal à propos d’une question de jeu, et qu’il nommait la géométrie du hasard. Les plus grands noms du monde scientifique après lui, Fermat, Bernouilli, Euler, Laplace, d’Alembert, Buffon, Condorcet, Ampère, ont consacré les calculs par lesquels s’obtient l’annihilation des risques du sort au moyen de la division infinie des chances. Les