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vrai que depuis un certain nombre d’années la progression chez nous a été assez forte pour permettre d’espérer dans l’avenir une comparaison plus avantageuse. Ce chiffre de 413 millions, relevé à la fin de 1863, constate en dix ans une augmentation énorme : en 1843, les assurances à primes en cas de mort, pour la vie entière et temporaires, ne s’élevaient en France qu’à 20 millions, en 1853 à 86, en 1858 à 150 ; cinq ans plus tard, elles atteignent près du triple. Dans une seule compagnie, la Nationale, de 1836 à 1860, le total des capitaux assurés en cas de décès ne dépassait pas 52 millions ; en 1865, il monte à plus de 137 ; le total des primes encaissées s’est élevé de 8 à 22 millions. Pourquoi cette différence entre nos voisins et nous ? pourquoi chez nous cette longue somnolence et ce réveil subit ? A part les causes morales déjà indiquées et les raisons générales qui peuvent justifier les faits recueillis, n’existe-t-il point dans le mécanisme, dans le fonctionnement plus ou moins perfectionné de ces opérations, dans les calculs qui leur servent de base, des motifs particuliers pour expliquer cette diversité de fortune et ces alternatives de réussite ?

En France, les calculs de probabilités d’après lesquels sont établies les assurances en cas de décès ont pour fondement ce qu’on appelle la table de mortalité de Duvillard. Dressée en 1806, non plus sur quelques têtes choisies comme la table de Deparcieux, mais sur l’ensemble de la population, elle constate, on doit le pressentir tout d’abord, une mortalité bien plus prompte. Aussi, quand sur les 1,359 individus inscrits en tête de la liste complétée de Deparcieux on en voit 1,092 survivre à 1 an, 734 à 30 et 463 à 60, la table de Duvillard sur 1,000 individus porte 767 survivans à 1 an, 438 à 30 et 213 à 60. À 70 ans, il n’en reste plus que 117, soit un peu plus d’un dixième. Au même âge, les 310 survivans de Deparcieux représentent, sur 1, 359, un peu moins du quart. Ces différences expliquent comment on a prêté aux compagnies d’assurances un double langage. Se présente-t-on à elles pour constituer une rente viagère, elles vous montrent la table de Deparcieux, disant : Voyez comme l’on vit ! S’agit-il de capitaux payables après décès, elles invoquent la table de Duvillard et s’écrient : Voyez comme on meurt ! Mais au rebours de la première table, qui ne semble pas leur être très avantageuse, celle de Duvillard a procuré des bénéfices si considé