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ouverts pour recevoir ces dépôts ainsi que ceux de la caisse d’épargne. Il suffit de faire à la direction générale des postes une constatation d’âge et d’identité, puis de passer à l’examen des médecins institués par la loi des pauvres, chacun ensuite peut non-seulement opérer les versemens dans tous les bureaux de poste, mais encore y changer à volonté la nature de son contrat, faire d’un dépôt à la caisse d’épargne un dépôt pour la retraite ou pour l’assurance en cas de mort, l’augmenter, le retarder. En outre le gouvernement a pris toutes les mesures propres à éclairer l’opinion sur ces combinaisons : il a multiplié la publication des tables, il a fait rédiger un guide populaire ; tous les ans, un compte est soumis au parlement après avoir été apuré par la commission des comptes publics. L’année même qui suivit la promulgation de la loi, 200 bureaux furent autorisés à recevoir ces assurances dans un rayon de pays peuplé de 6 millions d’habitans ; 809 assurances furent contractées pour 1, 521, 850 francs. Dans 501 contrats, le paiement annuel avait été préféré, dans 181 le paiement par mois. On avait aussi adopté les versemens trimestriels, hebdomadaires, et la plupart des assurances étaient souscrites pour 80 livres sterling (2,000 francs). En présentant ces chiffres à l’Institut, M. Cochin avait bien raison de dire que l’état en Angleterre est l’assureur du peuple, et ce qui vaut mieux encore, c’est qu’il a compris ce rôle dans le sens le plus moral, le plus conservateur, le plus politique, puisqu’il a réservé sa faveur aux opérations qui profitent le plus aux intérêts de la famille, par conséquent aux intérêts supérieurs de la société. Aucun ouvrier anglais, prélevant à l’âge du plein développement physique et moral, à 35 ans, une minime somme de 6 francs 25 centimes par mois sur son salaire, pour laisser à sa veuve ou à ses enfans un capital de 2, 500 francs, ne peut craindre qu’ils soient dénués des premières ressources et n’aient pas même à disposer d’un jour pour le pleurer. L’état a-t-il fait à ce sujet une mauvaise spéculation ? En d’autres termes, les calculs basés sur les tables de mortalité nouvellement revisées sont-ils justes ? Gagnera-t-il ou perdra-t-il à se faire assureur du peuple ? Est-il même capable de bien discerner, dans la population active et laborieuse qui composera sa clientèle et que les accidens imprévus frappent plus vite que ne le feraient les vices d’une mauvaise constitution, ceux qu’il doit admettre à l’assurance ou en rejeter ? Là n’est pas la vraie question, et l’illustre promoteur de la loi, l’honorable M. Gladstone, l’a portée sur un autre terrain, celui de l’accroissement de la moralité dans le peuple et des progrès de la civilisation. Que le gouvernement sacrifie quelques sommes pour augmenter dans les masses le goût de l’épargne, les habitudes de