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Pierre; elles intéressaient l’univers entier, car la séparation de la tête et du centre devait nécessairement provoquer une grande perturbation dans le catholicisme. Ces réflexions l’emportèrent dans la balance. »

Jusqu’au dernier moment, l’hésitation resta très grande. Alors même que déjà il penchait vers l’acceptation, le saint-père se montra profondément blessé de la façon dont on s’y prenait avec lui, particulièrement du soupçon de mauvaise foi manifesté par le gouvernement français, qui lui reprochait d’avoir écrit à Vienne pour savoir s’il devait aller à Paris, supposition, disait-il, aussi absurde qu’injurieuse. Avec de pareils soupçons, écrivait Consalvi, les affaires ne sauraient marcher, et plutôt que de les supporter il était prêt à donner sa démission[1]. « Il faut pourtant, écrit-il à la même époque dans une lettre particulière adressée au légat, que votre éminence fasse en sorte, si le pape va à Paris, qu’on se contente de cela, qui est la chose essentielle, et qu’on ne s’obstine pas à lui vouloir forcer la main inutilement. Qu’on y écoute, de grâce, la raison, et qu’on veuille bien y tenir un peu compte des circonstances où se trouve autrui[2]. »

Après que le sacré-collège, consulté à loisir, eut donné en pleine liberté son avis, non-seulement sur la convenance du voyage en lui-même, mais aussi sur les difficultés soulevées par la formule du serment, lorsque les explications de plus en plus accentuées du cardinal Fesch eurent enfin porté une suffisante conviction dans l’âme de Pie VII, il se décida, vers les premiers jours de septembre, à faire savoir à l’empereur que, rempli de confiance dans les promesses reçues et renouvelées, il allait partir malgré ses infirmités et la rigueur de la saison. Tout semblait donc décidé; peu de temps après, tout était cependant remis en question. Au lieu de cette lettre sur laquelle il avait tant insisté, dont il avait à l’avance dicté presque les termes, et que devaient apporter deux évêques, lettre qui aurait contenu l’assurance donnée par l’empereur de s’entendre directement avec le saint-père sur les avantages qu’il s’agissait avant tout de procurer à la religion. Pie VII recevait des mains du général Caffarelli un billet assez laconique, fait pour déplaire, et si mesquin sous tous les rapports, selon Consalvi, que le pape se vit sur le point de retirer sa parole et de répondre par un non. Le général Caffarelli fut personnellement bien reçu par le saint-père; mais Pie VII se montra profondément ému à la lecture du billet de l’empereur, qui ne contenait rien de ce qu’il attendait. « C’est du

  1. Le cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 1er août 1804.
  2. Lettre particulière du cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 1er août 1804.