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principale continuait directement sa route jusqu’au lac de Constance, tandis que l’autre se déversait dans la vallée occupée par le lac de Wallenstadt, où elle rencontrait le glacier de la Linth, qui la rejetait vers le nord. Embrassant le canton d’Appenzell, occupé lui-même par les glaciers du groupe de l’Altmann et du Sentis, les deux branches se rejoignaient aux limites occidentales de ce canton et comblaient tout le bassin du lac de Constance, couvrant d’une immense nappe de glace ; les cantons de Saint-Gall, de Thurgovie, la partie nord du Canton de Zurich et les districts voisins du Tyrol, de la Bavière et du duché de Bade. Le glacier du Rhin s’arrêtait vers l’est à la chaîne Wurtembergeoise connue sous le nom de Rauhalp, mais se prolongeait, à l’époque de sa plus grande extension, dans la vallée du Rhin j où il donnait la main aux glaciers qui occupaient alors les vallées des Vosges et de la Forêt-Noire.

On me demandera sans doute comment on peut limiter ainsi le domaine d’un glacier et s’assurer qu’il a réellement stationné sur le terrain, qu’on examine. On y parvient en étudiant les roches erratiques que le fleuve solide a charriées jadis et laissée sur le sol après son retrait. L’origine de ces roches, le lieu où elles sont en place, comme on dit en géologie, démontre d’où venait l’agent qui les a transportées. Ainsi le bassin erratique du Rhin est caractérisé par des granites porphyroïdes, originaires des montagnes de Trons, dans la vallée du Rhin antérieur, canton des Grisons. Il faut y ajouter des granites verts du Juliers, montagne où aboutit la vallée d’Oberhalbstein, qui elle-même débouche près de Coire dans celle du Rhin, enfin les gneiss bruns de la vallée de Montafun, située dans le Voralberg, au-dessus de Feldkirch. Ces roches avec leurs caractères minéralogiques propres n’existant que dans les montagnes nommées ci-dessus, leur présence à l’état erratique prouve que le glacier du Rhin les a amenées jadis sur les rives du lac de Constance.

Le second ancien glacier est celui de la Linth : originaire des montagnes du canton de Glaris, il a recouvert la partie méridionale du canton de Zurich, sans dépasser beaucoup la ville du même nom, sous laquelle et autour de laquelle on trouve des moraines frontales parfaitement caractérisées. L’Uetliberg et la rangée longitudinale des collines qui s’étend entre la Sihl et le lac sont un reste de l’ancienne moraine latérale gauche de ce glacier[1]. Au sud du glacier de la Linth, nous en trouvons un autre plus considérable : c’est celui de la Reuss. Descendu des hauteurs du Saint-Gothard à travers la vallée qui porte partout les traces les plus manifestes de son passage, il s’est étendu à la surface des cantons d’Uri, de

  1. Voyez sur cet ancien glacier, Oswald Heer, Die Urwelt der Schweiz, p. 525.