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courantes, car ils se seraient fondus dans le trajet. Les tranchées du chemin de fer de Villeneuve à Genève, le long de la rive occidentale du lac Léman, nous montrent partout des coupes de moraines, et en nous dirigeant vers le nord nous continuons, à marcher sur des débris alpins. Nous arrivons ainsi jusqu’aux premières pentes du Jura. Les vignobles des coteaux qui bordent le lac de Neuchâtel, comme ceux qui entourent l’extrémité du lac Léman, entre Lausanne et Vevey, sont plantés dans ce terrain de transport. C’est sur un sol déposé par la glace que mûrissent les raisins qui donnent ces vins de la Côte et de Neuchâtel si estimés de nos voisins. En France, on a remarqué que les grands crus de tout le Médoc et en particulier ceux, de Château-Laffitte, et de Château-Ichem, ceux du Rhône (Ermitage, Saint-Peray, Château-Neuf du pape), ceux du Languedoc (Saint-George, Lunel), mûrissaient sur des terrains recouverts de cailloux quartzeux. En Suisse, il en est de même, car la silice est l’élément qui domine dans ces débris empruntés aux roches cristallines des Alpes, La glace et l’eau ont formé les terrains cultivables de la Suisse, c’est à ces deux agens qu’elle doit sa fertilité ; mais dans ce travail préparatoire de la nature c’est la glace qui l’emporte : elle réunit sur un même point des roches de nature variée, où la plante trouve tous les élémens nécessaires à sa nutrition. Au contraire les cailloux des alluvions aqueuses sont d’une nature minéralogique, plus uniforme, parce que les roches les plus dures sont les seules qui viennent de loin. Dans le trajet, l’eau use ou dissout tous les élémens friables ou solubles des roches le glacier, il est vrai, en broie également une partie et les transforme comme l’eau en boue fertilisante ; mais il charrie les autres sans les détruire et les dépose intacts dans les plaines. Le soc de la charrue ou le fer de la pioche remue facilement ce terrain meuble, véritable manteau étendu sur les calcaires ou les grès souvent stériles qui forment la charpente de la contrée.

Dans les vignobles de Vaud et de Neuchâtel, l’observateur reconnaît çà et là, un bloc erratique. Beaucoup ont été employés à construire les murs de soutènement des terrasses du vignoble, qui sont entièrement formés de roches alpines.

Au-dessus de la région des vignes, dans les bois, les blocs deviennent très communs, quelques-uns sont énormes et ont reçu des pins qui les distinguent. Près de la ville de Neuchâtel, c’est la Pierre-à-Bot, à 271 mètres au-dessus du lac, élevé lui-même de 435 mètres au-dessus de la mer. La forme de la Pierre-à-Bot est celle d’une pyramide posée sur sa base, mais inclinée à l’horizon : elle a 16 mètres de long, 6 de large et 13 de haut, par conséquent un volume de 1,372 mètres cubes ; c’est un granite à grains fins des environs de Martigny. Sur la montagne de Chaumont, les blocs