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l’Arve, qui les a déposés sur le flanc oriental du petit Salève. Le temps a usé la roche calcaire qui les entoure, mais eux, protégeant celle qui les portait contre les intempéries de l’air, sont devenus les chapiteaux de colonnes que les siècles ont taillées dans le rocher.

Ces blocs et d’autres disposés par groupes au pied des deux Salèves nous indiquent la limite extrême de l’ancien glacier de l’Arve, que nous avons décrit ailleurs[1] ; affluent puissant, il venait se confondre à son extrémité avec celui du Rhône. A peine réunis, tous deux butaient contre l’immense glacier de l’Isère. Du haut de la promenade de La Treille, à Genève, on découvre au-delà de Saint-Julien un léger bombement du sol élevé seulement de 650 mètres au-dessus de la mer ; c’est le mont de Sion, point de partage des eaux qui se rendent dans le lac Léman et dans celui d’Annecy : c’est là que les trois grands glaciers se rencontraient. Un groupe de blocs de protogine, situé au-dessus du village de Vers, près de la route de Genève à Chambéry, marque la limite des glaciers du Rhône et de l’Arve réunis. Au-delà, on se trouve dans le domaine du glacier de l’Isère, qui débouchait par les lacs d’Annecy et du Bourget. Ce glacier s’étendait jusqu’à Lyon. Déjà en 1852 MM. Fournet et Ed. Collomb avaient constaté, sur les hauteurs de la Croix-Rousse, du fort Montessuy et de Saint-Irénée, l’existence de cailloux calcaires alpins frottés ou rayés et de fragmens ou petits blocs erratiques formés de roches cristallines originaires des Alpes de la Savoie et du Dauphiné, mais depuis M. Charles Lory, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Grenoble, a nettement circonscrit cet ancien glacier[2]. Au nord, il s’étendait jusqu’à Bourg, dans les département de l’Ain, couvrait toute la Bresse, et s’arrêtait au pied des montagnes du Lyonnais et de l’Ardèche en longeant le Rhône depuis Lyon jusqu’à Valence. Ses racines pénétraient dans les massifs alpins compris entre ce fleuve, l’Isère et la Romanche : c’est ce glacier qui a poli et strié les roches calcaires de Fontanilles, près de Grenoble, et celles des environs de Morestel, de Crémieu et de Bourgoin ; c’est lui qui a occupé la vallée de l’Isère, celle de la Côte-Saint-André, enfin déposé entre la Côte et Beaurepaire une grande moraine terminale qui porte les villages de Faramans, de Pajay, de Beaufort et de Thodure, près de Vienne en Dauphiné. Ce glacier n’a pas transporté ces blocs monstrueux qui caractérisent les anciens glaciers helvétiques ou italiens : les eaux résultat de la fusion de cette immense nappe de glace ont remanié les moraines. Les actions aqueuses et glaciaires se mêlent et se confondent. Le géologue hésite souvent en présence de dépôts qui portent l’empreinte

  1. Revue des Deux Mondes, 1er mars 1847.
  2. Voyez Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, t. XX, p. 363, 1863, et Géologie du Dauphiné, p. 665, 1860.