Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/640

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du tribunal que la loi a créé spécialement dans l’intérêt du travail. On peut à cet égard être d’un avis différent. Si le chef de l’état a la faculté de choisir le président en dehors de la liste des éligibles, rien ne l’empêche de porter son choix sur un ouvrier aussi bien que sur un patron, et théoriquement il n’y a point d’inégalité dans la loi. D’un autre côté, le classement attribué aux contre-maîtres et aux chefs d’ateliers semble rationnel, les intérêts de ces sous-officiers de l’armée du travail se confondant plutôt avec ceux des ouvriers, leurs anciens camarades, qu’avec ceux des patrons. Quoi qu’il en soit, on n’a jamais entendu dire, et c’est là le point essentiel, que les conseils de prud’hommes, tels qu’ils sont organisés par la législation actuellement en vigueur, manquent à leur mission de justice et protègent le patron au détriment de l’ouvrier. — Quant à la loi sur les livrets, est-il bien juste de la représenter aux ouvriers comme une simple loi de police, vexatoire, oppressive, créant pour eux une inégalité ? Qu’elle réponde à un besoin d’ordre public, personne n’est fondé à s’en plaindre ; mais en même temps elle est utile pour les ouvriers, parce qu’elle leur facilite le moyen de trouver de l’emploi, le livret leur servant de lettre d’introduction et de recommandation, sans compter certains avantages particuliers, notamment la franchise qu’il leur procurait pour leurs déplacemens, lorsque les passeports étaient rigoureusement exigés. Supposons que le livret devienne facultatif, au lieu d’être obligatoire sous la menace d’une pénalité qui du reste n’est presque jamais provoquée ; les ouvriers intelligens s’empresseraient de s’en munir, parce qu’il leur serait profitable en leur ouvrant plus aisément l’accès des ateliers, de même que, dans les autres carrières industrielles et commerciales, celui qui cherche un emploi invoque des antécédens et des références. Il ne faut donc pas attacher plus d’importance qu’il ne convient au grief tiré de la loi sur les livrets.

Plus sérieux sont les reproches adressés à la rigueur des lois qui restreignent le droit de réunion et à l’insuffisance du code de commerce pour ce qui concerne les sociétés. Il est à remarquer cependant que cette rigueur et cette insuffisance ne portent pas seulement préjudice aux ouvriers. La loi est la même pour tous. Elle n’accorde à aucune catégorie de citoyens ni tempérament, ni privilège. En droit, l’égalité est complète, et si dans la pratique elle a subi en ces derniers temps quelques atteintes, il est permis de rappeler que la tolérance de l’autorité a plutôt favorisé les ouvriers en leur concédant parfois la faculté de se réunir pour la discussion de leurs intérêts communs, faculté qui, le même jour peut-être, était refusée à d’autres citoyens présentant leur demande sous