Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/740

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce continent, mais les renseignemens sur lesquels on s’appuie sont encore en général assez vagues, et suffisent à peine pour esquisser à grands traits les routes suivies par les voyageurs. Des explorateurs comme Livingstone, Burton, Speke, Grant, Baker, n’ont guère rapporté de leurs expéditions que des latitudes observées au sextant, quelques longitudes isolées et quelques altitudes déterminées à l’aide du baromètre ou du thermomètre à eau bouillante, ce qui fait que les données de leurs cartes sont souvent très discutables. Ce n’est que dans l’excursion de MM. Théodore de Heuglin, Werner Munzinger et Théodore Kinzelbach chez les Bogos, les Maréa, et de là à Chartoum (1861 à 1862), que nous rencontrons des tentatives de triangulation ; mais ces trois voyageurs allemands étaient réduits à l’emploi de boussoles et de sextans. M. de Heuglin exécuta encore à cette occasion quelques relèvemens dans le nord du Tigré, et put ensuite construire son itinéraire avec une certaine précision en s’appuyant sur les positions que M. d’Abbadie avait auparavant déterminées dans cette province. Plus tard, en 1863, de Heuglin prit part à l’expédition de Mlle Tinné, jeune Hollandaise qui remonta le Nil-Bleu et le fleuve des Gazelles, et réussit au moins à fixer la position géographique de l’île Rek. M. Kinzelbach a obtenu vingt latitudes et six longitudes entre Muçawa et Chartoum. Maurice de Beurmann, qui a été assassiné dans le Wadaï, avait eu le temps de déterminer sur sa route quelques latitudes et un petit nombre de longitudes que les cartographes n’ont pu employer, parce qu’elles ne s’accordaient pas avec d’autres données. Dans le voyage du capitaine Speke aux sources du Nil, on trouve cent quatre latitudes, vingt longitudes et soixante-onze altitudes déterminées par l’ébullition de l’eau ; mais, ces données étant isolées, on n’a aucun moyen de les contrôler, si ce n’est par les observations des voyageurs qui ont fait la même route, et les données plus récentes de M. Baker ne confirment pas toujours celles du capitaine Speke. On voit donc que les progrès de la géographie de précision sont loin d’être rapides. Heureusement les savans rédacteurs du journal que M. Petermann publie à Gotha sous le titre de Geographische Mittheilungen s’occupent sans cesse de la discussion et de la coordination des matériaux que les voyageurs de tous les pays rapportent de leurs excursions. Les excellentes cartes que M. Petermann publie de temps à autre, et qui résument les résultats des voyages les plus récens, ne contribuent pas médiocrement à faire de la géographie ce qu’elle devrait être : une science exacte.


R. RADAU.