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elle poussait l’esprit d’économie à un tel point qu’il en est devenu proverbial ; elle vendait aux habitans de Berlin le lait de ses fermes et de la bière dans des tavernes (schenken), dont elle partageait les bénéfices.

Le grand-électeur laisse à son fils en 1688 un territoire de 112,377 kilomètres carrés avec 1 million 1/2 d’habitans et une excellente armée de 38,000 hommes. Ce fils est Frédéric, douzième électeur de Brandebourg, premier roi de Prusse. Il prête ses troupes à l’empereur Léopold, d’abord contre les Turcs, ce qui lui vaut un droit de réversion sur la Prise orientale, ensuite contre Louis XIV, ce qui lui rapporte la couronne royale. Ses 10,000 Prussiens se distinguèrent pendant la guerre de la succession d’Espagne à Blenheim, à Hochstädt et à Malplaquet. L’électeur de Saxe était devenu roi de Pologne, l’électorat de Hanovre allait donner des souverains à l’Angleterre ; le Brandebourg devait aussi se transformer en royaume. L’empereur y consentit, et sans perdre de temps Frédéric se fit couronner en plein hiver, le 18 janvier 1706, à Königsberg, l’ancienne capitale de l’ordre teutonique. Sa femme, Sophie-Charlotte de Hanovre, était renommée dans toute l’Allemagne pour l’étendue de ses connaissances. Elle fonda l’université de Halle et l’académie royale de Berlin, sous la présidence de son ami et fidèle correspondant Leibniz. Le premier roi arrondit aussi son territoire en achetant Quedlimbourg, les comtés de Meurs, de Lingen et de Tecklimbourg. La prospérité du pays était très grande, et frappait d’autant plus que la plupart des autres peuples étaient détestablement gouvernés. Tous les voyageurs parlent avec admiration du bon état des routes, de l’air d’aisance des habitans, de la perfection de la culture, des maisons blanches, des écoles et des églises neuves qui s’élevaient de toutes parts ; La France alors était en proie à la régence et à Louis XV.

Le second roi, Frédéric-Guillaume, père de Frédéric II, reçoit de son prédécesseur un territoire de 115,000 kilomètres carrés et une population de 1,731,000 âmes. Il y ajoute d’abord le duché de Gueldre, puis à la suite d’une guerre heureuse avec Charles II de Suède la Poméranie jusqu’à la Peene, Stettin, les îles d’Usedom et de Wellin, les villes de Dam lui et de Gollnow. Les frontières se rectifiaient du côté de la Baltique. Frédéric-Guillaume était un véritable ours du nord, époux brutal qui faillit tuer sa femme, père féroce qui voulut faire fusiller son fils, mais administrateur modèle qui allait parfois jusqu’à faire pendre ses employés quand ils détournaient les deniers publics. Il poussa la passion militaire, tradition de sa race, jusqu’à la manie, comme l’indique son fameux régiment de géans de Potsdam. Cependant il avait compris que, pour