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dire, sur cette nature généreuse et facile, toujours flottante entre les mauvaises compagnies qui l’enveloppaient et les enseignemens de son maître qui l’attiraient en lui montrant une vie supérieure de l’intelligence et de l’âme. »

Le résultat fut que, rompant un jour brusquement avec toutes ses folies de jeunesse, Massimo d’Azeglio s’enferma chez lui, se levant à l’aube, travaillant, lisant, dessinant et peignant surtout, mais sans direction, avec impétuosité. C’était le nouvel homme qui commençait. Massimo d’Azeglio était déjà passé du régiment de Royal-Piémont dans un régiment provincial de la brigade de la Reine, où il n’avait que quatre mois de service tous les ans et où il avait Santa-Rosa pour capitaine. Ce ne fut qu’après un voyage à Rome, où ses goûts n’avaient fait que s’affermir, qu’il finit par se détacher de tout service militaire pour se consacrer complètement à la peinture, et il entrait dans cette carrière nouvelle en homme sérieux, résolu, qui comprenait qu’on pouvait servir son pays de bien des manières, qui n’en était plus à ressentir ces frémissemens douloureux de patriotisme dont il parle dans ses mémoires : « Je ne puis dire quelle rougeur me faisait monter au visage l’état politique de l’Italie d’alors. Il me semblait en être coupable et porter cette honte gravée sur le front… Un jour, je me souviens, une Anglaise me parlait de patrie, je lui répondis le fiel dans le cœur : Est-ce que les Italiens ont une patrie par hasard ? Elle me regarda avec surprise, et ma mère m’en fit des reproches. Je n’expliquai pas davantage ma pensée, j’éprouvais trop de douleur… » Décidément l’officier de Royal-Piémont avait fait du chemin, et Bidone pouvait être content.

Si d’Azeglio eût été encore dans l’armée, qu’eût-il fait au moment où éclatait cette échauffourée de 1821 qui faisait flotter pendant quelques jours à Turin le drapeau de l’Italie ? Arrivé à un âge plus mûr, il blâmait cette tentative, il blâmait la révolution, non ceux qui l’avaient faite ; il la blâmait, non parce qu’elle était illégitime, mais parce qu’elle était un imprévoyant défi jeté à toute une situation européenne et parce qu’elle était une sédition militaire. Officier de l’armée, avec sa jeunesse, avec son libéralisme de cœur et d’esprit, il eût suivi sans doute par chevalerie ou par entraînement tous ces cœurs généreux dont il était le parent ou l’ami, les Santa-Rosa, les Collegno, les Lisio, et de fait un de ses frères y fut compromis. Ce qui le sauva, ce fut d’avoir quitté déjà l’uniforme, d’avoir pris du service dans cette autre armée des volontaires de l’esprit et de l’art, de n’être plus même à Turin au moment de la révolution. Il était déjà parti pour Rome, où il était revenu pour se consacrer définitivement à la peinture, pour y vivre en artiste