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désobéissance à l’église. Que signifieraient, sans cela, ces armes et ces munitions déposées presque régulièrement le long d’un grand nombre de routes par des bandes qui n’étaient pas poursuivies et qu’on n’avait même pas vues. Plus encore que l’armée anglaise, le clergé catholique a vaincu le fenianisme.

On voudra sans doute connaître le langage officiel du clergé irlandais dans une circonstance si délicate pour d’ardens défenseurs de la cause nationale. Je vais traduire les principaux passages d’une lettre pastorale de l’archevêque de Cashel, qui réside à Thurles. Elle a été écrite au milieu du soulèvement, et je la choisis parce que l’archevêque de Cashel, est un des chefs les plus ardens du parti national, parce que son diocèse a été l’un des plus agités par le dernier mouvement.


« Très chers frères,

« J’ai à vous dire des choses qu’il n’est pas agréable d’entendre ; mais, quand le troupeau est en péril, le pasteur doit parler. Plusieurs parties de ces diocèses ont été le théâtre de troubles qui ont amené pour quelques-uns, grâce à Dieu pour un petit nombre, la perte de la vie… N’êtes-vous pas honteux de penser que des Irlandais, que des concitoyens, se soient livrés à une entreprise aussi folle que celle de 1848, qui, comme elle, plus qu’elle[1], n’a pas été soutenue par le courage, cette qualité dont nous sommes si fiers et qui est la dualité nationale ? Quel est le caractère presque unique du soulèvement de 1867 ? Des bandes de plusieurs centaines d’hommes ont, de tous côtés, attaqué des postes de police, et presque partout ont été repoussées et mises en fuite par des poignées de policemen comptant de six à douze hommes !

« Si nous avons lieu d’être honteux, nous avons lieu aussi de déplorer les actes de la dernière semaine et les machinations qui les ont provoqués. Quel est aujourd’hui l’état des choses en Irlande ? Une inquiétude, générale, les affaires frappées de paralysie, le capital en fuite, les ateliers fermés, la constitution suspendue et les familles plongées dans la douleur… Le pis n’est pas encore arrivé, et je ne dois pas garder le silence quand non-seulement les vies, mais encore les âmes de mon peuple sont en péril.

« Je déclare donc, comme je l’ai déjà déclaré en deux occasions solennelles, d’accord avec tous les évêques d’Irlande, que les sociétés secrètes sont condamnées par l’église sous les plus sévères censures. J’ajoute, avec toute la solennité que requiert la circonstance, que le mouvement présent, ayant pour objet le renversement du gouvernement de la reine en Irlande et l’établissement d’une république irlandaise, est un mouvement complètement insensé et criminel aux yeux du ciel par la raison qu’il est insensé[2]… Tous les souverains pontifes ont condamné les sociétés secrètes. C’est donc un devoir pour un catholique de cesser de faire partie de sociétés secrètes. Celui qui ne le ferait pas désobéirait à l’église et s’exposerait

  1. Insurrection de Smith O’Brien.
  2. And because foolish, therefore sinful in the eyes of Heaven.