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chaînés deux à deux, les menaçant de mon s’ils ne leur comptaient pas, comme ils les avaient forcés de le promettre, 50,000 ducats dans cinq jours[1].

Témoin de ce qui se passait dans Rome livrée à cette soldatesque cupide, désordonnée, violente, Alarcon, gardien vigilant du pape captif, mais catholique alarmé de voir celui qui tenait la place de Dieu sur la terre maintenu en prison, écrivait à ce sujet avec une douloureuse inquiétude à Ugo de Moncada, qui remplaça Lannoy comme vice-roi de Naples. Dans cette lettre, Alarcon assurait que tout était en l’air, que l’armée en était arrivée à un tel degré de licence et de désordre, qu’on ne pourrait jamais la ramener à l’obéissance et à la discipline sans la payer et sans lui donner un chef qui la tînt en crainte; que le prince d’Orange était celui qu’il convenait le mieux de mettre à sa tête; qu’il fallait délivrer le souverain pontife, si l’on voulait que Dieu dirigeât les affaires de l’empereur comme il l’avait toujours fait; que c’était une chose bien violente que de tenir si longtemps en prison un pape et treize cardinaux. « Avec le mauvais renom, disait-il, qu’en retire sa majesté, les pierres de la chrétienté se lèvent contre lui, et le monde unit par terre et par mer[2]. »

Bien avant de recevoir cette lettre, qui lui fut transmise par Ugo de Moncada, l’empereur comprit qu’il lui importait de rendre le pape à la liberté, mais en s’assurant qu’il n’aurait plus à redouter son inimitié. Il n’entendait pas renoncer aux avantages de la victoire qu’il affectait publiquement de déplorer. Il envoya auprès de Clément VII son ancien confesseur fray Francisco de los Angeles, général des observantins, et il lit partir en même temps son chambellan Pierre de Veyre, baron de Saint-Vincent, avec des instructions à son vice-roi de Naples pour conduire cette négociation conformément aux intérêts de sa politique. Il souhaitait que le pape put venir en Espagne, ainsi qu’il en avait manifesté l’intention. S’il ne pouvait pas y être conduit avec sûreté, il chargeait le vice-roi de Naples, comme représentant sa personne, de le rétablir dans l’exercice spirituel de sa charge. Il ajoutait : « Le vice-roi devra s’assurer que, dans toutes les choses qui se feront humainement et avec le pouvoir temporel, nous ne puissions pas être trompé, et

  1. « Acordaron de ponellos en hierros de dos en dos por los bracos... han publicado los Alemanes que estos obstages le prometieron en Campo de Flor, viendo se en el peligro que digo, que dentro de cinque dias les darien cinquenta mill ducados; y dizen que si no cumplen esta promesa que los han de matar, y ellos lo creyan » — Dépêche de Perez au chancelier Gattinara, du 12 octobre 1527. — Mss. Béthunc, vol. 8547, f° 24.
  2. « ... Que con este mal nombre que su magestad tiene, las piedras de la christiandad se lebantan contra el... de modo que convocan el mundo por mar y por tierra, como V. S. Vé. » — Lettre d’Alarcon à don Ugo de Moncada, du 30 sept. 1527. — Dans Comentarios de los hechos del señor Alarcon, f° 334 à 339.