Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DES
MŒURS LITTÉRAIRES
AU TEMPS PRESENT

L’autre jour, en suivant d’illustres funérailles qui ont été presque un événement public dans ce Paris si frivole pourtant, si facilement oublieux et ingrat, je fus naturellement amené à réfléchir sur les destinées différentes des générations intellectuelles qui se sont succédé en France depuis un demi-siècle, à comparer les circonstances où elles se sont produites sur la scène et les rôles divers qu’elles ont été appelées à y remplir. Quand on voit disparaître un à un ces représentans d’un passé si récent encore, n’est-on pas tenté de croire qu’il y a comme une décroissance dans la race intellectuelle et que le siècle se découronne? Ce sont de grands ancêtres qui se retirent devant les générations nouvelles, sans que l’on puisse voir bien distinctement quelles consolations nous réserve l’avenir. Où sera la supériorité manifeste des inspirations, la nouveauté incontestée des aperçus, l’ampleur et la hauteur des conceptions, quand les derniers survivans de cette forte génération auront disparu? Où sera l’originalité du talent et ce qui en est le signe révélateur, l’autorité? J’aperçois bien une foule de noms qui se présentent à mon appel, confusément pressés sur les confins de la célébrité; mais dans cette multitude disparate d’écrivains de toute opinion et de toute origine y en a-t-il quelques-uns qui dépasseront la limite où s’arrête la foule et qu’une supériorité décisive du talent réserve au privilège de ces situations exceptionnelles consacrées par l’assentiment public, élevées au-dessus de la controverse vulgaire et comme à l’abri? A qui doit échoir, dans les nouvelles