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premiers jours de la révolution et déjà devenue un juste sujet d’orgueil pour nos armées; en outre de nombreux canonniers servaient les pièces attachées à l’infanterie à raison de deux par bataillon, disposition qui eut parfois d’heureux effets, que Napoléon reprit ou abandonna à diverses époques, mais qui ne paraît pas devoir faire partie d’une organisation régulière. Les ingénieurs militaires eurent le commandement de leurs troupes, sapeurs et mineurs, réunies pour la première fois en un seul corps; il appartenait à un officier du génie de réaliser sur ce point le rêve de Vauban. Pour les armes spéciales, l’important, le difficile, avec les idées de l’époque, était de maintenir parmi les officiers les traditions scientifiques qui les distinguaient depuis longtemps; les établissemens fondés à cet effet par la monarchie avaient été enlevés ou dénaturés par la tourmente révolutionnaire; il fallait les reconstituer sur un nouveau plan. Au grand profit de la science et des services publics, on réunit par un lien commun ce qui avait été séparé jusqu’alors; on créa un système qui se composait d’une école centrale préparatoire (nommée bientôt après école polytechnique), commune à tous les corps savans, civils et militaires, et d’écoles d’application particulières à chacun de ces corps. Les jeunes gens devaient entrer par concours dans la première, y recevoir une instruction théorique supérieure, en sortir officiers ou ingénieurs, et aller ensuite acquérir dans les secondes les connaissances pratiques nécessaires à l’exercice de leurs diverses professions[1]. Inspiré par Monge, son ancien professeur, Carnot, qui était lui-même un savant de premier ordre, jeta les bases de ce bel ensemble qui subsiste encore aujourd’hui. Il essaya aussi de doter l’armée d’une institution analogue, mais exclusivement militaire; en ceci, il échoua : l’école de Mars n’eut que quelques mois de durée. Le personnel des officiers d’infanterie et de cavalerie se recruta exclusivement dans la troupe; on se contenta de régler le mode d’avancement. L’absurde principe de a l’ancienneté de service » fut abandonné, et on mit un terme aux caprices des représentans en mission, qui abusaient trop souvent de l’urgence des circonstances pour s’élever au-dessus de toutes les lois. On réserva une large part dans les promotions à « l’ancienneté de grade, » l’élection fut maintenue pour une partie seulement des emplois subalternes. La plupart des officiers supérieurs étaient nommés par le pouvoir exécutif; le choix du gouvernement ou des soldats électeurs ne pouvait s’exercer que dans des limites nettement tracées. Ces mesures eurent une salutaire influence sur la composition des cadres; mais c’était surtout la situation de l’état-major général qui réclamait une ré-

  1. Lois du 28 septembre 1794 et du 1er septembre 1795.