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LA
MARQUISE DE NOVION
UN AMOUR D’AUTREFOIS.

« Le premier président de Novion, nous dit Saint-Simon, était un homme vendu à l’iniquité ; l’argent et les maîtresses obscures lui faisaient tout faire. » Puis il entre dans le détail, et accuse formellement ce magistrat de la plus honteuse prévarication. Chargé de recueillir et de formuler l’opinion des conseillers assis à côté de lui, Novion s’était enhardi peu à peu jusqu’à changer les arrêts en les signant et à prononcer, au nom d’une majorité fictive, des sentences dont il était l’unique auteur. Les greffiers, les rapporteurs, intimidés, couvraient d’une complicité muette cet étrange abus. À la fin, surpris de voir que tout un côté eût sanctionné des opinions réprouvées unanimement par l’autre section, les conseillers voulurent éclaircir ce phénomène. Quand la fraude eut éclaté, quand on eut vérifié par quel incroyable stratagème Novion en était venu à juger tout seul les causes les plus importantes, et quand on eut constaté l’existence d’arrêts « extrêmement altérés » dans leur contexte, plaintes en furent portées au roi. Elles étaient appuyées de telles preuves que Novion reçut ordre de se retirer. Successeur de Lamoignon, il était depuis l’année 1678 à la tête du parlement, et justice ne fut faite de ses prévarications que tout à la fin de 1689. Il était donc resté onze ans dans la pleine possession de cette immense autorité qu’il prostituait impudemment aux passions les plus viles. Ces choses-là ni rien de semblable ne sauraient, — du moins faut-il le croire, — se reproduire de nos jours.