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per, ni durant le jeu qui suivit, ils ne purent échanger une seule parole. Le lendemain matin, au moment du départ, le marquis, en saluant sa belle hôtesse pour prendre congé d’elle, parvint néanmoins à lui demander tout bas de vouloir bien l’instruire exactement du jour où elle s’en reviendrait.

Quatre mois passèrent, qui furent autant de siècles; mais enfin arriva le précieux renseignement attendu avec tant d’impatience. Cette fois, mieux avisé que la première, le marquis avait attiré chez lui, en même temps que la complaisante amie à qui déjà il était redevable de tant d’utiles services, deux ou trois gentilshommes de sa connaissance intime. Les voyageurs furent arrêtés au retour, comme ils l’avaient été au départ : une douce violence les retint à Fresne, où ils arrivèrent assez tard et se mirent à table immédiatement pour réparer les fatigues d’une longue journée de route. M. de Novion, grand amateur de chevaux, voulut après le repas que son hôte le menât visiter les écuries du château; M. de Fresne y consentit d’autant plus volontiers qu’il laissait auprès de sa bien-aimée une personne ne manquant ni d’adresse ni d’esprit, et toute disposée à bien plaider la cause de l’absent. En effet, Mlle de *** ne perdit pas son temps, et le marquis put se convaincre au retour que les paroles transmises en son nom n’avaient pas été mal accueillies. Plusieurs personnes de qualité conviées au château donnèrent lieu d’y organiser pour le reste de la soirée une foule de petits jeux, dont le plus intéressant fut à coup sûr celui qui consistait à s’asseoir en cercle pour glisser en secret à l’oreille de ses voisins des questions et des réponses répétées plus tard à voix haute. L’amphitryon ne manqua point, — c’était son droit, — de se placer à côté de sa belle visiteuse, et les choses qu’ils se dirent alors sans être entendus ne sont parvenues, que l’on sache, à l’oreille de personne. Elle l’assura pourtant ainsi, nous l’affirmons sans hésiter, qu’elle serait fort aise de passer chez lui la journée du lendemain. Aussi, lorsqu’à l’issue des jeux M. de Fresne donna la main à la dame pour la conduire dans la chambre qu’il avait fait préparer à l’intention des voyageurs, et quand les autres invités lui firent cortège jusqu’à la porte, il saisit cette occasion pour adresser au mari une requête en forme, appuyée à l’instant même par toute l’assistance, et qu’il était difficile de repousser à moins d’incivilité marquée. M. de Novion ne voulut ou n’osa point se donner un pareil relief; mais il est possible, il est même probable que l’espèce de contrainte dont il fut l’objet à ce moment-là n’ait pas été tout à fait étrangère à un bizarre incident qui marqua la journée du lendemain, et dont il faut bien que mention soit faite ici, à peine de laisser une lacune dans le fil de notre récit. S’il contraste quelque peu avec la