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dehors des limites qu’elle s’était primitivement assignées, a étendu son protectorat sur un état voisin, le Cambodge, se voit obligée de lui fournir un appui efficace et matériel entraînant des dépenses et des complications nouvelles. On parle en même temps d’acquisitions destinées à accroître le territoire que la métropole se charge de gouverner et d’administrer directement. Quels sont donc les bénéfices que peut offrir le protectorat du Cambodge? Est-il opportun de songer aujourd’hui à s’agrandir et à engager au loin une partie des ressources de la France au moment où l’on semble s’occuper de les rendre plus immédiatement disponibles? Faut-il croire que l’on cède à l’entraînement qui, au nord de l’Asie, aux Indes, au sud de l’Afrique, conduit les Européens à reculer constamment leurs frontières aux dépens de leurs voisins indigènes, et à ne trouver de sécurité que dans une succession de conquêtes? Ou bien les établissemens français se trouvent-ils vraiment à l’étroit dans leurs limites actuelles, et si la France étend le rayon de son action, est-ce non pour obéir à un vain désir de domination, mais seulement pour donner une satisfaction légitime à des besoins réels? Cette question mérite d’être étudiée, à cette heure surtout où le pays s’attache à se rendre exactement compte de sa position à l’extérieur et semble prêt à répudier toute entreprise dont l’urgence ne lui semblerait pas démontrée; c’est en indiquant nettement la situation, en en précisant les exigences que l’on peut éviter les hésitations et les incertitudes qui ont accompagné nos premiers pas en Cochinchine. Le but que la France a recherché étant connu[1], il convient d’examiner si la situation géographique et politique de ses établissemens y répond suffisamment et ne demande pas à être rectifiée, si l’histoire même du pays ne fournit pas à cet égard des indications dont il y aurait lieu de profiter, si enfin, sans s’imposer les frais et les embarras d’une extension de frontières, il n’y a pas quelque moyen d’obtenir les résultats que l’on désire. Ce sont là autant d’élémens d’appréciation dont on peut tirer des conclusions différentes, mais dont la connaissance semble nécessaire pour former l’opinion.


I.

On n’en est plus aujourd’hui à considérer comme profitable à la grandeur d’un état le fait seul d’une acquisition territoriale, quelle qu’en soit la nature. Si l’échange des richesses du sol asiatique

  1. Voyez dans la Revue du 15 novembre 1862 le récit de la Campagne de Cochinchine en 1861, par M. Léopold Fallu, et dans la Revue du 1er mai 1804 le travail de M. Henri Galos sur l’Expédition de Cochinchine et la politique française dans l’extrême Orient.