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trouver dans les nouvelles libertés octroyées. Trois concessions avaient été annoncées comme devant imprimer un caractère libéral au mouvement politique intérieur du pays : le droit d’interpellation rendu à la chambre, une loi sur la presse, une loi sur le droit de réunion. Le contre-temps pour le droit d’interpellation, c’est qu’il ait coïncidé avec la suppression de l’adresse, et qu’il ait été accompagné d’une restriction considérable ; puis le droit d’interpellation, quand il n’est point appuyé sur le droit d’initiative, ne peut aboutir à aucune conséquence véritablement efficace. À ce changement apporté par ce mode de délibération aux prérogatives de la chambre élue s’est joint le sénatus-consulte qui confère au sénat l’examen des lois et le vélo suspensif. Nous ne croyons point que le public ait pris un grand intérêt à cet accroissement des privilèges du sénat et à la discussion du sénatus-consulte. Il y a dans les dispositions constitutionnelles du genre du sénatus-consulte quelque chose d’abstrait et d’artificiel qui laisse le public indifférent. C’est à l’usage qu’on apprécie ces procédures. Les discussions auxquelles elles donnent lieu sont par trop métaphysiques, et il paraît surtout oiseux de faire de la philosophie politique avec des gens qui ont le parti pris d’avance de ne point se conformer aux lois de la logique. Le piquant de la circonstance, c’est que la discussion du sénatus-consulte n’a été qu’une dissertation alternée sur la constitution, laquelle n’a jamais été plus assaillie d’investigations critiques et de commentaires que depuis qu’elle a été placée au-dessus de la discussion par une prescription légale. Il a été dit quelques bonnes choses au sénat surtout par les orateurs qui auraient voulu que cette assemblée eût les privilèges complets d’une seconde chambre. L’épisode le plus curieux du débat a été un discours de M. le duc de Persigny. Cette harangue ducale a été intéressante comme le manifeste d’un système qui s’en va. On ne comprend point pourquoi M. de Persigny ne peut prendre la parole sans faire un cours de constitutions comparées dont la conclusion, invariablement décourageante et humiliante pour la France, est que nous ne pouvons point posséder les garanties et les franchises dont jouissent l’Angleterre et les États-Unis. Étrange façon d’entendre l’amour-propre national ! M. de Persigny a d’autres bizarreries. Quoiqu’il s’applique de son mieux à faire de vrais discours de doctrinaire, il est toujours en guerre avec l’éloquence, et ce profond politique a des dédains de marquis pour « les gladiateurs de la parole. » Aucun grand homme, suivant lui, n’eût été capable de prononcer de bons discours. Colbert, Richelieu, n’eussent point eu la langue assez bien pendue pour être de bons ministres parlementaires. M. de Persigny a une idée injuste et fausse de nos grands ancêtres. Colbert, Mme de Sévigné a pris soin de nous en instruire, n’aimait point à causer avec de nobles solliciteuses ; mais si M. le duc de Persigny s’était donné la peine de lire des lettres d’affaires, des mémoires, des ordonnances rédigés par Colbert, il serait sans doute convaincu que le sévère contrôleur-général