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que ce grand empire, avec ses glorieux souvenirs, imposait à ses ennemis victorieux. M. Thierry nous raconte le plaisir qu’il prit à visiter Athènes, et il nous dit qu’à la prise de Rome, au moment de franchir la porte Salaria, il fut saisi d’une sorte de terreur superstitieuse. On pouvait donc prévoir dès lors que Rome, dont ils semblaient comprendre la grandeur, ferait à la longue l’éducation des barbares, qu’en échange de sa vieille expérience dont elle les faisait profiter elle se rajeunirait par leur jeunesse. Si l’on veut juger des services que ce mélange du peuple ancien et des peuples nouveaux a rendus au monde occidental, il suffit de jeter les yeux sur les Grecs de l’Orient, qui, après avoir eu le malheur d’échapper à l’invasion des barbares, sont restés jusqu’au XVe siècle tels que M. Thierry les dépeint au IVe. Ils n’ont jamais pu se renouveler tout seuls. Et même quand ils ont perdu cette civilisation dont l’excès les avait énervés, la barbarie où ils sont tombés n’est pas parvenue à leur rendre l’énergie et la vitalité.

Il n’est guère possible d’analyser les récits de M. Thierry ; on les gâterait en les abrégeant. La seule manière d’en faire comprendre l’importance, c’est d’indiquer, comme je l’ai fait, quelques-unes des réflexions qu’ils nous suggèrent. J’aime cette façon de présenter l’histoire qui ne se charge pas de nous fournir des théories générales sur la marche des événemens, mais qui, en nous les montrant comme ils se sont passés, en nous mettant en leur présence, nous laisse libres d’en penser ce que nous voulons et d’en tirer les conclusions qui nous semblent justes. Il faut espérer que M. Thierry achèvera de nous raconter de cette manière les quelques années qui séparent la prise de Rome par Alaric de l’établissement définitif des royautés barbares. Par là les Récits de histoire romaine iront se réunir aux Récits des temps mérovingiens ; on passera sans secousse de l’histoire de la destruction de l’empire au tableau de la barbarie essayant de s’organiser sur ses ruines, et l’œuvre des deux frères se rejoindra.


GASTON BOISSIER.


ESSAIS ET NOTICES.

LA FORCE MUSCULAIRE DES INSECTES[1].


Dans une première série d’expériences qui furent entreprises pendant l’été de 1865, M. Félix Plateau avait mesuré la force de divers insectes par les poids qu’ils pouvaient tirer, pousser devant eux ou soulever en volant. Ces recherches, dont il a été rendu compte dans la Revue du 1er août 1866, avaient conduit l’auteur à admettre comme une loi générale que dans chaque groupe déterminé d’insectes les plus petits sont les plus forts, en d’autres termes que le rapport du poids déplacé au poids propre de l’a-

  1. Bulletin de l’Académie royale de Belgique, t. XXII, N° 11, 1866.